Il y a longtemps, bien longtemps, dans une galaxie lointaine… La phrase ouvre chaque épisode de la saga Star Wars, avant que se déroule, tel un parchemin, sur fond étoilé, le petit texte qui plante le décor de l’histoire à venir. Pour beaucoup de spectateurs, ce bref laïus introductif suffit pour poser enjeux et repères, mais il est loin, bien loin, de satisfaire des regards aussi curieux que celui de Martin Hugues. Pour preuve, Nous sommes tous des Jedi est un essai dans lequel l’auteur se plaît à répertorier, commenter, analyser tous les points d’interrogation surgissant dans l’esprit des spectateurs les plus vifs, alors que, sur l’écran, s’affrontent les forces de l’Empire, la Rébellion et les chevaliers Jedi…

De quoi s’agit-il au juste ? Martin Hugues attaque le livre par un morceau coriace, un chapitre inattendu sur « les institutions politiques et juridiques » de la galaxie de Star Wars, notamment dans la « prélogie », les épisodes 1 à 3, où il est beaucoup question de luttes d’influence et de tractations diverses dans les coulisses comme dans l’arène du Sénat. Le chapitre décortique les rouages de la machine parlementaire qui sera, dans l’épisode 3, détruite avec l’avènement de la dictature du sénateur félon Palpatine. Un véritable cours de droit constitutionnel, forcément un peu aride, d’autant que la prose de Martin Hugues, qui est juriste de formation et aborde son sujet avec sérieux, ne s’égare jamais dans quelque trait d’humour. Compte tenu du matériau de réflexion, une grande saga d’aventures spatiales, le ton peut surprendre, mais on ne pourra pas reprocher à l’auteur, à quelques semaines de l’arrivée en salles de l’épisode 8, d’avoir emballé fissa un simple petit bréviaire à l’usage des fans, surfant sur l’air du temps et sur la campagne de promo qui ne devrait pas tarder à nous matraquer.

Même si le ton sérieux perdure, la suite de l’ouvrage est moins ardue, Martin Hugues s’interrogeant, par exemple, sur l’humour de la saga, sur l’« humanité » des personnages de robots (l’analyse comportementale du duo R2D2-C3PO est passionnante, faisant même des ponts entre le rôle dramaturgique des droïdes et la tradition du théâtre grec). L’auteur se penche également sur la position hiérarchique des femmes dans l’éventail de personnages de la saga, sur son discours progressiste et, tout aussi important, sur sa portée morale. La partie psychologique, voire psychanalytique, de sa réflexion constitue en bonne partie le chapitre 4 de l’essai (« Les Relations familiales »), et la démonstration se conclut par un chapitre philosophique où l’on trouvera, mises à plat, les valeurs représentées par l’Ordre Jedi, et où l’on pourra glaner rien moins qu’une réponse à la question du sens de la vie ! En toute logique, face à la somme considérable des leçons et préceptes contenus dans Star Wars (et, partant, dans cet essai), la saga initiée par George Lucas est associée in fine par Martin Hugues à la tradition et à l’importance fondatrice des mythes. Le livre refermé, il apparaît évident, même aux yeux des vieux birbes les plus indécrottables, que la S.F. à l’écran et, plus généralement, les meilleurs titres issus de la « pop culture » sont autant riches d’enseignements que les incunables des bibliothèques. Cette dimension du travail de Martin Hugues n’est pas la moindre qualité qu’il fallait souligner.

Sorti il y a quelques semaines en version e-book, Nous sommes tous des Jedi est disponible depuis aujourd’hui, 2 novembre, en édition brochée.