No Mercy (Yongseoneun Eupda) a été présenté au public français lors de l’édition 2010 de l’Étrange Festival, où il a été projeté dans le cadre de la thématique « Carte blanche à Alejandro Jodorowsky ». Une caution d’importance pour ce film de Corée du Sud de Kim Hyoung-jun, défendu en ces termes par le réalisateur d’El Topo et Santa Sangre : « Ce film exploitant le thème de la vengeance arrive à un tel extrême de cruauté mentale qu’il surpasse le déjà terrible Old Boy. La profondeur de l’erreur et du châtiment reçu est telle que l’adolescent Tarantino, avec ses violences superficielles et ludiques, ne pourrait supporter cette tragédie adulte, démentiellement raffinée, avec un final digne de tous mes respects : ce qui commence comme un film commercial finit par être un exemple d’audace artistique. »

La pique lancée à Q.T. paraît gratuite, voire pas très honnête intellectuellement : à mon sens, on ne peut guère juger des qualités d’un auteur par comparaison avec les défauts qu’on trouvera chez un autre, d’autant que le cinéma coréen vanté par Jodorowsky l’est également par Tarantino, ardent défenseur d’Old Boy l’année où le film de Park Chan-Wook fut programmé à Cannes. Difficile, en revanche, de contester le reste des propos du grand Alejandro.

No Mercy démarre en effet comme un thriller « classique », avec la découverte sur la berge d’un estuaire du corps d’une jeune femme découpé en six morceaux. La police est sur les dents, notamment Min, fliquette tout juste sortie de l’Académie. L’autopsie de la victime est réalisée par le docteur Kang, un des anciens professeurs de Min. Le médecin légiste va se retrouver personnellement impliqué dans l’affaire en découvrant que le tueur, Sung, tient sa fille en otage et menace de la supprimer s’il ne l’aide pas à échapper à la justice…

Le scénario délaisse donc rapidement la progression de l’enquête (les flics sont du reste presque tous dépeints comme des abrutis incompétents) pour suivre le parcours de Kang, professionnel réputé jouissant d’une grande autorité morale, comme en témoigne l’attitude de révérence de Min lorsque celle-ci croise son chemin. Dans le rôle, le comédien Kyung-gu Sol parvient à rendre prégnante la détresse habitant son personnage, contraint de violer ses principes pour sauver sa fille, qu’il aime par-dessus tout. Le tueur exige de lui qu’il falsifie des preuves pour le tirer d’affaire, mais on comprend peu à peu que se soustraire à la justice n’est pas réellement le but recherché. L’impassible Sung est un personnage énigmatique dont la claudication apparaît comme le symbole d’une meurtrissure invisible, profonde au point qu’il se déclare indifférent à son propre sort. « Tout m’est égal », déclare-t-il à Kang lorsque ce dernier, hors de lui, menace de lui faire la peau.

Comme l’a révélé Jodorowsky à l’Etrange Festival, la vengeance est au cœur du projet de Sung. Le plan échafaudé pour le mener à bien va s’avérer particulièrement tordu, et la double révélation (celle de la nature de la faute originelle et celle du châtiment, terrible) contenue dans la dernière bobine justifie pleinement la promesse du titre, « sans pitié ». Préparez-vous à un coup de théâtre qui hérisse le poil et à une poignée de plans conclusifs marqués par le désespoir le plus noir. Au final, et bien que sa mise en scène n’ait pas la dinguerie et l’impact visuel dévastateur d’Old Boy, No Mercy remue les tripes du spectateur, prouvant la vitalité jusqu’au-boutiste du cinéma de genre coréen.

Sortie du dvd le 17 novembre (TF1 Vidéo/CTV International).

Image : 2.35, 16/9 compatible 4/3
Son : Coréen Dolby Digital 5.1 & DTS Digital Surround 5.1, Français Dolby Digital 5.1
Durée : 123’
Suppléments : rien de rien ! Grand succès en salles dans son pays d’origine (plus d’un million d’entrées), No Mercy aurait mérité un petit making of ou un entretien avec son réalisateur.