Le réalisateur David Morley et ses comédiens Hélène de Fougerolles, Francis Renaud et Dida Diafat étaient présents à Gérardmer, en janvier dernier, pour la première européenne de Mutants. Annoncé dès le début de son tournage, en 2008, ce premier long métrage de Morley a fait fantasmer pas mal de monde, et c’est une foule aussi joyeuse qu’excitée qui a investi, en ce samedi soir hivernal, la grande salle de projection du festival.

Le film débute alors que l’humanité a déjà un genou à terre. Un virus infernal transforme hommes et femmes en bipèdes cannibales à la peau noirâtre et aux crocs acérés, et les premiers plans sont des images de débâcle où des survivants aux abois fuient les hordes déjà nombreuses de mutants. Parmi ces rescapés, un couple de médecins, Marco et Sonia, trouve refuge loin du chaos, dans un sanatorium abandonné isolé dans la montagne. Mais le calme retrouvé est illusoire : dans la fuite, Marco a été contaminé…

Auteur du scénario, Morley a choisi de faire du tête à tête Marco/Sonia le cœur de l’histoire, et Mutants n’est donc pas, comme le titre pourrait le laisser penser, le récit d’une bataille opposant humains et monstres. De l’aveu même du cinéaste, le film est sous-tendu par cette question, qui a servi de point de départ à l’écriture : « Que se passerait-il si la personne que j’aime, la personne la plus importante à mes yeux, devenait soudain la plus dangereuse ? » (lire ici l’interview de David Morley). Les instants les plus intenses, voire les plus pesants ou dérangeants, se trouvent donc non pas dans les scènes d’affrontement mais dans les moments d’angoisse, d’espoir, de doute que traverse le couple-vedette. Morley, sacré petit veinard, a eu la chance immense, pour son premier long métrage, de pouvoir s’appuyer sur deux comédiens exceptionnels pour l’aider à mener le film à bon port. Dans le rôle de Marco, Francis Renaud, acteur récurrent dans le polar (on l’a récemment vu en salaud intégral dans MR73 d’Olivier Marchal et dans de nombreuses séries tv policières), compose avec abnégation un personnage au sort tragique à qui rien n’est épargné (la commission de classification n’a pas été méchante car le film est seulement interdit au moins de douze ans, assorti d’un avertissement). À ses côtés, Hélène de Fougerolles, formidable de force et de fragilité mêlées, incarne avec une conviction qui laisse pantois une figure d’action lady jusqu’ici inédite dans le cinéma français.

Pour le spectateur rompu aux horreurs en tout genre, il n’est cependant pas évident de s’immerger dans l’histoire, cela impliquant de faire abstraction des références nombreuses que malaxe le scénario. 28 Jours plus tard de Danny Boyle, évidemment (en tout cas pour le début), La Mouche de Cronenberg, voire The Thing de John Carpenter (pour le décor enneigé)… Jeune cinéaste accouchant de sa première œuvre, David Morley fait montre, il est vrai, d’un sens impressionnant de la mise en scène (le final, notamment, est très efficace), mais il n’a peut-être pas encore la maturité nécessaire pour digérer, sublimer, toutes les influences héritées de sa culture de cinéphile. On lui reprochera aussi des faiblesses dans les dialogues et une interprétation approximative dès lors qu’interviennent les seconds rôles.

Mais ces quelques réserves ne doivent surtout pas vous dissuader, en bon amateur d’horreur que vous êtes, de vous rendre dès le 6 mai dans les salles. Après Frontière(s), Martyrs, À l’intérieur, l’épouvante à la française commence sérieusement à faire parler d’elle, en Europe comme ailleurs, et elle vient de trouver avec Mutants un nouvel émissaire de choix et de poids.