Celles et ceux qui le connaissent savent que Christophe Thill, qui a dirigé cette anthologie, adore les musées depuis sa plus tendre enfance. Il était donc à prévoir qu’un jour, il conduirait un tel recueil si justement titré Muséums. Aussi, en attendant la prochaine Nuit des musées nationale, poussez donc les portes de cet établissement, de papier, certes, mais qui abrite bien des surprises…
  Le Guide du Muséum de Rascanges de François Fierobe sera votre première découverte. Sans doute la meilleure de l’anthologie. Une invitation à la visite d’un lieu empli de merveilles sous la forme d’extraits d’un guide fort imagé et utile. Une réussite qui en fera rêver plus d’un! Amateurs de jeux de rôle, voici une source de scénarios à exploiter pour des parties mémorables.
 Jouant sur un registre bien différent, beaucoup plus profondément ancré dans l’ambiance fantastique, Gombessa song de Véronique Pingault relate les réflexions d’un être bien ancien qui attend son heure, comme d’autres entités du célèbre H.P. Lovecraft.
  Dans L’affaire de l’épidémie dansante, Nico Bally met en scène un inspecteur appelé à enquêter dans un musée où des œuvres se trouvent chaque nuit remplacées par d’autres sensiblement différentes. Si la directrice des lieux pense à des faussaires peu doués, car incapables de reproduire à l’identique les objets dérobés, elle tombera des nues en découvrant la vérité. Quelques grammes de merveilleux dans un monde trop matériel?
  La découverte du cadavre d’une femme ailée parfaitement conservé dans des archives oubliées est le point de départ de Notre Dame des marrons de Bernard Weiss. La lecture d’un journal d’expédition vieux d’une centaine d’années croise les recherches contemporaines effectuées sur le corps incroyable jusqu’au dénouement final, peut-être un peu trop rapide.
  De son côté, Régine Philippe nous fait découvrir le quotidien d’un garçon prit sous l’aile d’un vieil homme, unique gardien d’un muséum d’histoire naturelle. Suivez donc La véritable histoire du Quetzalcoatlus où les apparences sont trompeuses, comme toujours dans ce genre de texte. Un rien prévisible, certes, mais prenant tout de même.
  La lecture du texte Le sourire du dodo, qui permet de suivre les réflexions d’un homme à la santé mentale fragile, peut paraître difficile. Après tout, le personnage principal semble baigner dans une atmosphère bien curieuse, pour ne pas dire franchement fantasmagorique. Pourtant, la fin imaginée par Olivier Caruso vous clouera le bec, c’est le cas de le dire!
  Réaliser l’inventaire d’une collection hétéroclite amassée, au fil des années, par un excentrique n’est pas chose aisée. C’est ce que va comprendre le héros de Chroniques d’un cabinet de curiosités écrit par Anne Goulard. Cependant, au fil des ouvertures de caisses, les découvertes se succèdent à un rythme soutenu et l’objet le plus intéressant se dévoile enfin à qui sait le voir comme le trésor qu’il est.
  Loïc Lendemaine nous offre les souvenirs d’un rat, arrivé par hasard dans le British Museum, qui va devenir le spectateur privilégié de phénomènes qu’aucun humain rationnel ne saurait croire. De fait, les événements relatés dans Tourbe millénaire, même s’ils prouvent que l’amour est la plus puissante force de l’univers, demeureront inconnus des mortels. Un personnage principal original pour une histoire qui sort de l’ordinaire.
  La Tourbière de Romain Champion n’a rien en commun avec la tourbe du texte précédent. Il s’agit d’une visite nocturne d’un passionné d’art qui se laisse enfermer dans un établissement pour mieux en apprécier les œuvres. Une bien mauvaise idée, au demeurant. Un récit difficile à lire pour qui n’a pas les connaissances picturales de son auteur et qui devra se documenter sur plusieurs tableaux afin de mieux comprendre certains passages. Un développement au rythme très particulier.
  La montée en puissance d’un Art nouveau qui sort de l’ombre par l’intermédiaire d’actes de vandalismes est le sujet de la nouvelle née sous la plume de Cedric Citharel. L’enquête d’un cadre spécial à l’UNESCO sur des dégradations perpétrées sur des œuvres mondialement connues entraîne le héros jusqu’à un village du Népal où il découvre la source de ce nouveau genre artistique. Si seulement tout cela était vrai!
  Jess Kaan utilise sa nouvelle Pazuzu (33 O 21 S / 44 O 25 E) pour dénoncer les exactions de certains hommes peu scrupuleux envers ses trésors culturels parmi les plus remarquables. Si l’histoire se tient et se lit agréablement, le lecteur demeure un peu sur sa fin en tournant la dernière page.
  Les Reliques mises en scène par Pascal Sacré rappellent que l’appât du pouvoir est aussi vieux que le monde et que, bien souvent, le sang accompagne la puissance. C’est ce que va expérimenter le Docteur Ross après avoir acquis trois statuettes aztèques. Sa carrière et son couple vont littéralement exploser pour son plus grand bonheur. Du moins, au début… Un dénouement choc pour une histoire matinée d’érotisme au fantastique omniprésent.
  Plus complexe à parcourir est le Musée-homme, imaginé par Robert Darvel, qui donne au lecteur la possibilité de suivre les faits et gestes d’un homme aux intensions bien curieuses. Une visite étrange pour atteindre un dénouement énigmatique.
  Autre style dans Bicéphalite de Julien Heylbroeck où le personnage principal lève un voile épais recouvrant son propre passé au fil de sa lecture d’un carnet de notes accompagnant un fascinant fœtus à la tête enlaidie par une malformation peu commune. Un dénouement un peu téléphoné mais qui conclut parfaitement cette nouvelle.
  Le Musée des vapeurs est un lieu exceptionnel, même si le héros de Franck Ferric n’est qu’un simple agent d’entretien, mi-gardien, mi-guide. Il n’empêche qu’il nous ouvre les portes de l’unique musée des courants d’air existant de part le monde. Un établissement introuvable où l’on rentre peut-être par hasard mais que l’on quitte différent. Un très bon texte.
  Retour dans un fantastique sombre où l’horreur guette dans Sarah de Nelly Chadour. Le moulage en plâtre de la tristement célèbre Vénus hottentote se trouve exposé dans le Muséum d’histoire naturelle de Paris où les visiteurs s’extasient devant ce qu’ils jugent comme un être inférieur. Ce qui n’est certes pas l’avis d’une exploratrice fort connue venue là investie d’une mission. Une dispute l’oppose rapidement avec la fille du directeur jusqu’à se voir jetée dehors par la sécurité. Mais il n’est jamais bon d’ulcérer une femme aux alliés pétris de magie ancienne. Une fin qui s’allonge un peu mais qui distille un effroi presque tangible fort réussi.
  Dans le Voleur écrit par Emmanuelle Cart-Tanneur un homme s’aperçoit brusquement qu’il a le don de prélever des éléments dans des tableaux de maître qu’il peut ensuite ramener chez lui pour décorer son appartement. D’abord avec quelques coquelicots empruntés à Monet, puis des pivoines de Manet, jusqu’au chat noir présent sur Olympia qu’il lui faudra rapporter rapidement pour cause de désagréments. Au gré de ses chapardages, ce voleur va prendre de plus en plus de risques pour franchir définitivement la limite en s’emparant d’un trésor peint par Velasquez dans son œuvre Ménines… Du rêve, de la finesse, bref, une nouvelle qui vaut le détour.
  Un bizutage conçu comme un rite initiatique imposé au nouveau membre de l’équipe du Muséum d’histoire naturelle, voilà ce que va subir René dans Chimères proposé par Irène Maubreuil. Il se voit contraint de disséquer un être artificiellement assemblé par ses futurs collègues de travail. Néanmoins, la victime retourne la situation en élevant entre ses mains un élément imprévu. Un texte qui joue avec l’horreur sans jamais y tomber totalement, du moins, pas avant l’ultime phrase. Du grand art!
  Un crâne de cristal capable de fasciner, voire, d’envouter totalement celui qui ose y plonger les yeux est le point central de la nouvelle de Léo Lallot: Le Musée des Damnés. Un homme passe bien trop de temps à observer l’artéfact unique. Ce qui devait arriver advient et l’existence du héros bascule. Comme dans Chimères, la toute dernière phrase contient une grande partie de l’intrigue pour plus de surprise.
  Une race oubliée dont les rares traces disparaissent, un professeur avide d’en savoir plus, un lieu secret et protégé, un gardien prêt à lever un coin du voile, et un retournement de situation auquel ne s’attend certes pas le lecteur. Voici un bon résumé de la nouvelle Hors de l’Éden écrite par Romain d’Huissier. Bluffant!
  Dans l’excellent texte Le directeur des ressources humaines; l’autre de Mathias Moucha, ledit D.R.H. du Muséum d’histoire naturelle s’occupe du recrutement des veilleurs de nuit. Rien de spécialement anormal de prime abord! C’est justement là qu’est la force de cette nouvelle. Car les gardiens de nuit semblent choisis de bien étrange manière. Et pour cause! Un peu d’humour mêlé de fantastique…
  Sous le titre singulier de: Échographie d’un petit pois, Ludmila Safyane nous permet de suivre une petite fille partie à la recherche d’un bonbon alors qu’elle visite un musée avec son grand père. Comme Alice, elle bascule alors de l’autre côté du miroir et se retrouve… Un rebondissement final imprévu!
  Le célèbre H.P. Lovecraft a fortement influencé A. Kowsky, l’auteur de L’objet K, cela ne fait aucun doute. Dans ce récit, un homme obtient le privilège d’approcher un objet unique en son genre qui donne son titre au récit. Encore un artéfact venu du fond des âges et qui contient une puissance inégalée. Le contempler est un honneur, certes, mais à quel prix? Du grand fantastique!
  Lorsque l’on s’appelle Jeanne et que l’on apprend que Jeanne était au pain sec, cela laisse des traces dans l’inconscient. Et voici que la petite fille de la nouvelle de Gudule se retrouve dans une situation bien particulière en visitant un musée. Dominée par ses peurs enfantines, elle pense s’échapper en se dissimulant dans le ventre d’un hippopotame. Mauvais choix car elle entre alors de plein pied dans un ailleurs qui ne lui convient guère. De la fraicheur de l’enfance…
  Le secret de Canaletto de David Miserque reprend pied dans un fantastique profondément encré via le sang prélevé dans nos viscères. La restauration d’un tableau recouvert par un autre par son propre créateur va révéler une image porteuse d’une puissance antique venue de bien loin. Le pire n’est pas ce que la nouvelle dévoile, mais bien ce qu’elle laisse supposer après sa fin. Une calamité à venir qui pourrait bien vous faire frissonner lors de votre prochaine visite dans un musée. Excellent!
  Dans un registre bien plus léger, Julie Conseil nous présente dans La Lyre à trois cordes la rencontre d’un homme avec trois enfants aux noms peu communs. Les trois petites filles semblent vivre dans un musée et s’avèrent doté de pouvoirs bien particuliers. Et pour cause! Après tout, ne dit-on pas que les auteurs écrivent sous la dictée de leur muse? Le lecteur curieux comprendra sans doute mieux après une petite recherche sur les patronymes de ces fillettes.
  Léger également, fantastique aussi, et doté d’une fin surprenante, telle est la nouvelle Les malédictions croquées où un couple de jeunes gens parvient à s’emparer d’œuvres d’art réputées maudites. Sous la plume de Blanche Saint-Roch, le récit se déploie sans temps mort pour apporter au lecteur la réponse à ses questions. De bonnes idées pour un texte agréable.
  Suivre un psychopathe dans sa fuite en avant, talonné par la police, est devenu une sorte de routine dans la plupart des séries Américaines. Aussi, au début, Le maître des curiosités de Bernard Leonetti peut paraître banal. C’est alors que l’histoire s’engage dans une direction différente, de plus en plus énigmatique, pour finir sur une touche de fantastique pur qui balaye les aprioris du lecteur. Les deux ultimes phrases concluent à merveille ce texte.
  Fabien Clavel nous fait suivre la visite d’un établissement unique, Le musée de soi-même, dédié au personnage principal. Particulièrement étrange durant une grande partie de son développement, cette nouvelle plongera peut-être son lecteur dans sa perplexité. Pourtant, c’est, une fois de plus, dans les dernières lignes que toute la maestria de l’auteur se fait sentir. Envoûtant!
  Petit détour par les contes de fées, du moins dans leur version la moins édulcorée et sous un jour totalement nouveau. En effet, Aurélie Ligier raconte L’éveil d’une beauté qui se retrouve transformée en vulgaire objet au beau milieu d’un musée gardé par des Nains. Un clin d’œil évident aux contes de notre enfance remixé à la sauce fantastique pour plus de dépaysement. Une course poursuite à lire.
  Un vieil homme qui perturbe les visiteurs d’un musée en recherchant La machine des Incas qu’il avait vu dans sa jeunesse, un gardien consciencieux, un enfant curieux… En résumé, quelques instants de vie si vite emportés dans le texte de Georges Mugand. Réalité, folie, œuvre du temps qui passe? Le lecteur jugera.
  Autre ambiance dans Les rouages du destin de Terry Montcalm où trois gardiens assistent aux mouvements d’un automate qui semble soucieux de délivrer un message important. L’arrivée de la restauratrice du musée, plus cartésienne, donnera lieu à quelques discutions. L’objet ancien serait-il capable de prédire l’avenir? Et si oui, pourquoi tant d’énigmes? Parfois, la connaissance est source de mort…
  Se déroulant dans le futur, Le musée des âmes de Jean-François Seignol confirme, s’il le faut encore, que les musées ont de beaux jours devant eux. Ultime visite d’un homme en deuil dont la compagne a disparu durant son étude d’une race extraterrestre aux mœurs hermétiques. Errant de salle en salle, le sang saturé de drogue destinée à atténuer son chagrin, il finira par trouver ce qu’il cherchait inconsciemment. Un peu de science-fiction dans le fantastique?
  Jean-François Lubin clôture l’anthologie avec son texte Seul qui ne met pas seulement un terme au recueil mais aussi à l’humanité toute entière. L’unique survivant se réfugie dans un musée pour quelques moments de souvenirs dans son existence solitaire. Une scène sanglante pour conclure avant de basculer vers autre chose, totalement inattendu. The End?
Vous l’aurez sans doute compris en lisant cette chronique, les Éditions Malpertuis nous livrent encore une anthologie de qualité regroupant les meilleurs textes d’auteurs talentueux. Seule critique négative, finalement, 34 nouvelles ayant pour thème les Muséums dans tous les sens du terme, c’est beaucoup. Peut-être un peu trop, car, texte après texte, une légère lassitude pourrait bien envahir le lecteur avide de changements. Dans ce cas, une lecture «ponctuelle» permet de mieux apprécier les différentes histoires. Elles méritent toute votre attention. Vivez une agréable visite de ces musées exceptionnels!