Pas dit qu’on trouvera des extraits de l’ouvrage au Japon dans les pages du célèbre Weekly Shonen Jump : imaginé par Mickaël Krikorian, alias Kriko Jr, Mukai est une création à 100% française, qui brouille quand même un petit peu les pistes en reprenant les caractéristiques habituelles des mangas, notamment la pagination de droite à gauche. Et surtout, l’histoire se déroule au Pays du Soleil levant, dans l’exploitation laitière familiale où vit et travaille Mukai. Le jeune homme a un petit frère, Tomu, et un grand-père, le propriétaire de la ferme. Le portrait de famille est encore très lacunaire (on n’en est qu’au tome 1, il y aura d’autres volumes), on ne sait donc pas où sont les parents des deux garçons. En revanche, on en apprend beaucoup sur le métier d’éleveur de bovins, avec par exemple une double-page instructive, pédagogique, sur la méthode moderne de traite des vaches, une manœuvre expliquée pas à pas. Il faut dire que le lait revêt une importance capitale dans cette histoire, puisque le précieux liquide s’avèrera être rien moins qu’un talisman pour Mukai, un atout décisif dans la lutte qu’il va devoir mener contre une horde de démons sortis des enfers !

Les produits laitiers sont nos amis pour la vie ! Vous vous rappelez peut-être le fameux slogan (et la petite chanson qui l’accompagnait). Dans Mukai, plus qu’une simple formule promotionnelle, le lait de vache est un leitmotiv, un peu curieux, c’est vrai, dans le contexte d’une histoire fantastique, mais qui trouve sa justification dans le fait que la publication est « coproduite pas les Produits laitiers » (on n’invente rien, le parrainage de l’organisme est précisé sur la couverture !). D’où ce cahier des charges insolite où le nectar des mamelles de Marguerite présente un intérêt suffisant pour que dialogue et scénario y reviennent plusieurs fois. Sinon, pour ce qui est de cette histoire de démons, la petite bande de héros (Mukai plus quelques autres valeureux combattants, dont on fait vite la connaissance) se voit amenée à lutter à main armée contre un savant fou ayant comme projet d’ouvrir la porte des enfers. Prévoyez donc plusieurs pages de castagne ainsi que des traits d’humour et un registre de langue un peu lourdauds (l’auteur trahit aussi — volontairement ? — l’origine française du manga en laissant échapper quelques onomatopées typiquement nationales ainsi qu’une référence nominative à une célébrité du foot elle aussi bien de chez nous). Graphiquement, enfin, la BD s’avère de bonne facture, le style japonais, malgré quelques couacs, étant assez bien imité. À réserver quand même aux plus jeunes lecteurs de manga, disons jusqu’à 11-12 ans, qui suivront l’aventure en dégustant leur quatre-heures, arrosé bien sûr d’un bon verre de lait.

En librairie depuis le 10 novembre 2022.