Dès l’entame, on voit que Locke & Key a tous les ingrédients d’une bonne histoire d’horreur, à commencer par son décor, un sombre manoir qu’on suppose — à juste titre — bourré de secrets. L’endroit n’est autre que l’antique demeure familiale de la famille Locke. Après trois jours de route, Tyler, Kinsey et leur petit frère Bode reviennent sur les lieux accompagnés de leur mère, tous portant le deuil du papa, décédé dans des circonstances particulièrement dramatiques et violentes. Surnommée Keyhouse, la vieille demeure renferme toute une collection de clés, dissimulées dans divers recoins. Curieusement seuls les enfants peuvent les voir et, surtout, une fois qu’ils ont mis la main dessus, faire usage du pouvoir magique que chacune recèle.

Il y a une tradition américaine du fantastique et de l’épouvante qui veut que des gamins, à l’insu des adultes, vivent des aventures tant initiatiques qu’extraordinaires. Au cinéma, dans les années 1980, c’était le cas, entre autres, des célèbres Goonies de Richard Donner, des ados de Génération perdue (le film de vampires de Joel Schumacher, avec Kiefer Sutherland) ou même d’E.T. l’extraterrestre de Spielberg. Plus près de nous, il y a eu Super 8 (du même Spielberg), Summer of ’84 du trio québécois RKSS et, bien entendu, la série tv mondialement connue Stranger Things. Locke & Key s’inscrit en plein dans la mouvance de ce type d’histoires, à ceci près que le récit imaginé par Joe Hill et Gabriel Rodriguez, hanté par le thème du deuil, est bien plus noir et horrible que les titres précités. Les personnages de premier comme de second plan sont voués à traverser une série d’épreuves traumatisantes, et même s’ils entrent en possession des fameuses clés cachées, les héros devront se faire à l’idée qu’il ne faut jamais viser la facilité, en l’occurrence que le recours à la magie est un biais trop commode pour se jouer des difficultés et des cruautés de l’existence. Le scénario est diaboliquement bien ficelé, l’ambiance lugubre à souhait, et le dessin est magistral. Pas étonnant que le « graphic novel » ait tapé dans l’œil de Carlton Cuse, le « showrunner » de la série Lost, qui en a produit une adaptation en série tv. Tournées entre 2020 et 2022, les trois saisons sont visibles sur Netflix.

En librairie depuis le 5 juin 2024, dans une édition superbe, faut-il le préciser. Deux autres volumes viendront prochainement compléter cette intégrale.