Khimaira: Si vous rencontriez les Sfar et Trondheim d’il y a 10 ans, en train d’écrire le premier tome de Donjon, que leur conseilleriez-vous?

Lewis Trondheim: Je leur conseillerai de me voler ma machine à remonter dans le temps et d’aller voir les dinosaures.

 

K: La fantasy est-elle un genre qui vous intéresse au départ?

LT: Tous les genres sont potentiellement très riches. Après, tout dépend de ce qu’on en fait.

 

K: La série a commencé comme un pied de nez à la multitude de séries de fantasy et ses clichés. Maintenant qu’elle est devenu un pilier du genre, n’avez-vous pas l’impression d’avoir trahis, en quelque sorte, votre idée de départ?

LT: L’idée de départ était de se surprendre. Je pense qu’on parvient à se surprendre encore avec les monsters, et à poursuivre la construction de l’univers avec les séries principales.

 

K: L’univers de Donjon a un peu perdu de son aspect « joyeux foutoir » des débuts. Est-ce une évolution inévitable pour la pérennité de la série?

LT: Je crois que c’est une vue de l’esprit. Quand vous avez découvert Donjon, c’était pour vous sans doute bizarre, complexe, un peu foutoir, mais nous n’avons pas cesser de creuser la même chose: construire un monde imaginaire. Donc avec le temps, sans doute est-on moins déstabilisé, mais c’est juste votre regard.

 

K: Avec le développement de chaque série et la densification du contexte, n’avez-vous pas peur d’être un jour presque coincé dans la narration, particulièrement sur Potron-Minet et Zénith?

LT: On veut à la fois continuer la construction des bases principales DPM et DZ, en ayant des portes ouvertes sur DM et DC. C’est effectivement plus difficile d’envisager de joindre DPM à DZ et DZ à DC, il faut de la rigueur et moins de folie créatrice, mais ça fait partie du jeu.

 

K: Avez-vous rédigé un bible pour éviter les erreurs et les contradictions?

LT: Rien du tout. Et à chaque fois, on se dit qu’on devrait relire les tomes précédents et on ne le fait pas. Alors quand on commet une erreur, on tente de la justifier dans un album postérieur.

 

K: Voyez-vous Donjon comme un gigantesque saga avec un début et une fin? Ou n’est-ce qu’une tranche d’Histoire de Terra Amata sans dénouement particulier?

LT: Plutôt la deuxième proposition. Je n’ai aucune idée de quand nous cesserons de travailler sur Donjon. Ça peut être demain ou dans 30 ans…

 

K: Vous devez bien avoir des personnages fétiches, quels sont-ils et pourquoi?

LT: Je crois qu’on aime bien tout les deux Grogro. Sa naïveté, sa bêtise et sa force nous permettent des comiques de situation toujours renouvelés.

 

K: On connaît votre admiration pour Carl Barks et on peut supposer que vous auriez aimé faire un Monsters avec lui. Sans limite de frontières ou d’époques, est-ce qu’il y a d’autres artistes avec lesquels vous auriez aimé collaborer sur un album de la série?

LT: Avec Cliff Sterrett, Will Eisner, Bill Watterson et l’arrière arrière petit fils de Moëbius.

 

K: Dans un de vos albums (non Donjon) vous exprimiez vos craintes de perdre un jour l’inspiration, tel certains autres artistes ayant déclinés avec l’âge. Cela vous angoisse-t-il toujours?

LT: Non, parce que je sais que ça arrivera. Il faut donc que je me prépare juste à faire autre chose à ce moment.

 

K: Si vous arrêtiez un jour Donjon, seriez-vous prêt, vous et Sfar, à laisser les rênes scénaristiques à d’autres auteurs ?

LT: Je ne crois pas.

 

K: Un dernier mot sur les collaborations: pouvez-vous nous dire quels sont les prochains artistes à plancher sur des Donjon Monsters ?

LT: Il y aura Olivier Vatine, Clément Oubrerie…

 

K: On sait qu’il y a déjà eu un projet avorté de dessin animé sur Donjon (qui a donné finalement Donjon Parade). Est-qu’il y a d’autres adaptations en projet (dessin animé, long-métrage, jeu vidéo, ligne de jouets…)?

LT: Oui, il y a quelque chose en début de gestation. Un truc énorme, et là où on ne l’attend pas. Plus d’info d’ici un ou deux ans.

 

K: Si vous rencontriez les Sfar et Trondheim de 2028, en train d’écrire le 300ème tome de Donjon, que leur demanderiez-vous?

LT: Je leur piquerai leur machine à voyager dans le temps et j’irai faire un album de bd avec Gus Bofa.