Décrire les origines du genre Fantasy en France est chose assez aisée car elles sont moins le fait de quelques auteurs distincts qu’un engouement partagé, situé assez précisément dans le temps. Sans se tromper, on peut affirmer que la Fantasy française provient de deux sources (qui sont par ailleurs assez liées). La première est le jeu de rôle et la seconde la littérature anglophone du genre.

L’arrivée de Donjons & Dragons en France a fait l’effet d’une petite bombe chez les amateurs d’histoires « dont vous êtes le héros » et autres jeunes à l’Imaginaire débordant. On est alors dans les années 1980 et très vite les clubs de JDR et quelques fanzines font leur apparition. Et puis il y a Casus Belli, magazine voué au jeu de rôle et à la culture « fantasy » qui connaîtra rapidement le succès. Sachant que les rôlistes ont cette particularité de posséder une soif de sources pour leurs jeux toujours grandissante, on ne s’étonnera pas que ces passionnés chercheront de quoi assouvir ce besoin. Constatation horrible: la fantasy en France n’existe pas (ou presque). Les amateurs se tourneront alors vers la littérature anglophone. Le Seigneur des Anneaux surtout, Howard et son Conan ensuite, et tous les Zelazny, Pratchett, Bradley, Moorcock, etc. La machine fantasy se mettait en marche…

Au sortir de l’ombre, le brouillard…

Sur base des succès du JDR et de la littérature de Fantasy dans les pays anglophones (et de la recherche de ce genre par les amateurs francophones), certains s’étonnent du désert en France. Déjà, on peut dire que la SF et le fantastique ne remportaient pas le même succès chez les Français et les Anglo-saxons, Une certaine réticence pour ces genres de littérature a toujours existée en France. La Fantasy ne pouvait donc venir que d’ailleurs. Mis face à un public français qui demande des produits du genre Seigneur des Anneaux ou Conan, les directeurs de collection et les théoriciens se confrontent à une petite difficulté supplémentaire: le terme de « Fantasy » se traduit littéralement par « fantastique » et englobe chez nos amis anglophones aussi bien le fantastique que la féerie et jusqu’à certaines œuvres de SF… D’où une confusion nette dans les collections françaises où la Fantasy apparaissait dans les collections de SF ou de Fantastique Cet encore aujourd’hui, on s’y perd !).
Bref, après avoir été ignorée, la fantasy s’empêtrait dans un problème de catégories…

Les brumes se dissipent

Passons ce moment de confusion, de bouillonnement cérébral et regardons plutôt le fait le plus marquant de la naissance de la Fantasy francophone, En la belle année 1995, quelques passionnés fondent les éditions Mnémos, donnant l’occasion à de jeunes auteurs français de décrire leurs mondes imaginaires.
Nous voilà au cœur de la création de la pure Fantasy française, Car c’est bien du côté de la naissance de maisons d’édition avec une réelle volonté de faire de la littérature, et non plus uniquement des scénarios de JDR, que la Fantasy française va véritablement prendre le chemin de sa consécration.
Mnémos d’abord qui donne le ton en lançant quelques grands noms actuels comme Mathieu Gaborit, Colin Marchika, Alexandre Malagoli, Laurent Kloetzer, Fabrice Colin… Une maison qui possède déjà un catalogue de plus de 60 titres ! Après Mnémos, d’autres maisons verront le jour, Nestiveqnen, outre ses livres, produira la revue Faeries, première revue francophone de Fantasy », Oxymore plutôt à l’origine fantastique glissera très vite sur les voies d’une Dark Fantasy enchanteresse… Et puis Bragelonne, née du départ de chez Mnémos du talentueux découvreur de talents, Stéphane Marsan. Bragelonne publie les oeuvres de Henri Loevenbruck, Magali Ségura, Fabrice Colin, Mathieu Gaborit, David Calvo, Ange…
Aujourd’hui, tout ce petit monde explose de talents et les grandes collections s’honorent à leur tour de très bons crus, Citons l’exemple, chez Fleuve Noir, de Pierre Pevel, lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2001 avec Les Ombres de Wielstadt.

Une Fantasy tricolore ?

En choisissant le nom de sa maison, Bragelonne nous indique une des particularités de la Fantasy française. Le Vicomte de Bragelonne étant un des héros d’Alexandre Dumas, le père du roman de cape et d’épées. Car la Fantasy française produit des héros chevaliers qui rappellent très souvent les Mousquetaires.
Magali Ségura, Colin Marchika, Mathieu Gaborit ont créé des personnages qui se distinguent assez des guerriers de Fantasy anglophone.
La tradition des contes de fées, le passé littéraire, les grandes héroïnes tragiques apportent aujourd’hui un nouvel élan aux plumes françaises et la Fantasy s’en trouve enrichie. Le temps des pâles copies des succès anglophones semble résolu et ces dernières années de véritables chefs d’œuvres ont fait leur apparition. Car les auteurs anglophones ont leur culture, leurs codes d’écriture et les auteurs français ne pouvaient échapper longtemps à leur propre passé culturel. Il est évident que cette piste est la meilleure et la qualité des publications françaises s’en ressent aujourd’hui. Certaines œuvres n’étant pas loin d’égaler les grands maîtres anglophones, toujours dominants de la scène Fantasy. Mais le future s’annonce de très bon augure… Aux plumes citoyens!