La fusion des univers Marvel et Disney atteint un degré inédit dans Les Nouveaux Héros, adapté d’une B.D. créée dans les années 1990 par Steven T. Seagle et Duncan Rouleau. Sorte de croisement entre The Avengers et Les Indestructibles de Brad Bird, le film reprend à sa façon (c’est-à-dire en réécrivant pas mal de choses) la genèse du collectif de super-héros « Big Hero 6 », à l’origine composé, pour l’essentiel, de personnages japonais. Dans le film, la bande se retrouve largement américanisée, menée par un jeune prodige nippo-étasunien de la robotique, Hiro Hamada, qui va prendre l’initiative de fonder le fameux groupe d’élite.

L’hybridation entre USA et Japon n’est, cela dit, pas une mauvaise idée : elle permet aux scénaristes d’imaginer un terrain de jeux original pour les héros, la ville de « San Fransyoko » (OK, le nom est moche), une variante japonisée et assez rigolote de San Francisco (les arches du Golden Gate Bridge prennent la forme de torii géants !). Dans un quartier semblable à celui d’HaightAshbury, Hiro, 14 ans, et son grand frangin Tadashi sont des orphelins élevés depuis 10 ans par leur tante Cassie, qui tient un petit restaurant au rez-de-chaussée de l’immeuble. Hiro ne vit que pour la robotique, et la valeur n’attendant pas le nombre des années, il a déjà conçu un système de composants révolutionnaires baptisés « microbots ».

Visuellement, l’aventure est à couper le souffle, il n’y a bien sûr rien à redire sur la qualité stupéfiante de l’animation en volumes. Hiro customise une invention de son frère, Baymax, un gros robot-guimauve aux allures de doudou géant conçu au départ comme un « assistant médical personnalisé ». Sans le départir de ses qualités de soigneur, Hiro transforme Baymax en super-combattant vêtu d’une armure rouge qui lui permet de prendre la voie des airs. Les séquences de vol sont impressionnantes et valent bien celles des deux Dragons des studios Dreamworks. La mission d’Hiro et Baymax : capturer et identifier le coupable d’un incendie criminel, un super-méchant diabolique portant un masque de kabuki.

L’intrigue est un peu mince, de même que l’intérêt porté aux autres membres du « big six » (ils n’apparaissent d’ailleurs même pas dans la bande annonce !). Le film se focalise sur le parcours d’Hiro et de son gentil robot (très craquant, faut reconnaître). La relation entre les deux personnages et les péripéties de leur aventure sont surtout l’occasion de distiller au jeune public visé — grosso modo les 6-10 ans — des leçons de morale qui, certes, sont estimables (ne jamais céder à la colère, proscrire l’esprit de vengeance, rechercher le bien de la collectivité et non le profit, etc.) mais dont la somme finit par être pesante, en tout cas pour des spectateurs plus âgés. Enfin, et c’est plus gênant, le film traite d’éducation, et l’univers de la robotique donne l’occasion aux scénaristes de (sur)valoriser les carrières scientifiques en présentant la recherche sous un jour exagérément ludique, avec des personnages de geeks qui s’éclatent dans leur boulot (tant mieux), ont chacun une personnalité propre (heureux aussi) mais qui restent avant tout des geeks jargonnant en vase clos. Ce parti pris tout-techno conduit en outre à négliger, voire mépriser, l’un des personnages les plus positifs du film, la tante Cassie, une courageuse mère de substitution qui n’a pas la confiance d’Hiro (il lui ment tout le temps) car elle n’a pas l’heur d’être, comme lui, une nerd versée dans les sciences dures — personnellement, je me fiche qu’elle n’entende rien aux cyber-bidules, et j’irais volontiers dîner dans un resto sympa comme le sien !

Les Nouveaux Héros est sorti le 11 février 2015 dans les salles françaises.