Télé 7 jours (oui oui, le journal TV à tendance people) a démarré il y a quelques semaines une très intéressante collection d’adaptations de classiques de la littérature en BD. Nous voilà arrivé à la moitié de la série, qui devrait comporter 26 tomes: c’est l’occasion parfaite pour un petit bilan!

Amateurs d’imaginaire, sachez tout d’abord que cette collection est très orientée vers les romans populaires. Une bonne place est donc faite à la science-fiction et au fantastique avec Jules Verne (le Voyage au centre de la Terre) ou encore Conan Doyle (le Monde Perdu), au détriment de Balzac ou de Proust par exemple. Cette orientation n’en est pas moins logique. Déjà en raison du public visé. Ensuite parce que c’est pour cette sélection qu’une adaptation séquentielle a probablement le plus de sens.

Le graphisme occupe donc naturellement une place privilégiée dans ce processus, une position plus créative que le rôle, assez ingrat il faut le dire, du scénariste devant se "contenter" de transposer un scénario existant. En l’occurrence, le résultat est largement à la hauteur des enjeux. La qualité du dessin n’a d’égal que l’attention portée à la narration et se révèle de très haute tenue. Les exceptions sont rares. La plus remarquable concerne le Livre de la Jungle, dont le naturalisme adopté renvoi une ambiance réaliste largement plus efficace que ne l’aurait eu une version cartoonesque à la Disney. A l’opposé, l’Odyssée s’enfonce au fil des pages; les personnages deviennent de moins en moins reconnaissables, le trait de plus en plus imprécis, les cases sont progressivement délaissées de leurs décors… Mais sur les treize volumes parus à ce jour, il s’agit du seul qui soit vraiment bâclé, ce qui est finalement bien peu.

C’est d’autant plus dommage que côté scénario, c’est en revanche l’une des adaptations les plus réussies, avec le Livre de Jungle – de loin le meilleur de la série pour l’instant. D’une manière général, le bilan de ce côté est un peu plus mitigé, quoique positif au final. Les adaptations sont en effet bien, voir très bien écrites, mais trop littérales. Autant dire qu’avec moins de 50 planches, les histoires étouffent quelque peu.

Deux volumes en souffrent particulièrement. Les Milles et une Nuits tout d’abord en raison du choix très malheureux de consacrer plusieurs planches au prologue de ce recueil de contes, alors que celui n’a de sens que s’il est suivi d’un nombre conséquent d’histoire (ce qui n’est pas le cas: seules deux sont proposées). Robinson Crusoë, ensuite, dont le problème est lié à la transposition du temps dans l’espace qui caractérise le 9e art. En effet, comment rendre compte des 28 ans que dura l’exil de Robinson en si peu de pages? Paradoxalement, c’est dans ce volume que se justifie le mieux la sur-utilisation de la voix off, l’isolement du personnage réduisant de toute façon les dialogues à un monologue interne. Peu d’auteurs ont d’ailleurs su se passer de cet outil certes bien pratique pour faire avancer un récit à son terme en peu de pages, mais difficile d’utilisation et qui peut vite transformer une BD en récit illustré.

A contrario, cet impératif de place convient plutôt bien au Tour du Monde en 80 jours. L’auteur doit courir pour compléter son récit dans un espace très limité, ce qui répond très bien à la pression qui pèse sur les héros pour terminer leur voyage dans les délais impartis.

Notons enfin pour la bonne forme que quelques unes des adaptations (le Monde Perdu de Doyle, les Misérables de Hugo…) se font sur deux volumes et échappent de facto à cet épineux sujet – quoique ce soit moins vrai pour les Misérables, roman fleuve sans commune mesure avec le Monde Perdu beaucoup plus court.

Dans tous les cas, il est clair que le projet a été traité avec beaucoup de sérieux et d’application tant du côté artistique que du côté éditorial. Mais le traitement reste trop académique pour que ces BD soient autre chose que des "adaptations" et puissent exister indépendamment des écrits dont elles sont tirées. Rendez-vous dans quelques semaines pour un bilan de la seconde moitié !