L’histoire commence avec l’entrée dans un bar des bas quartiers de la station Com-Mine d’Angus Thermopyle, vieux pirate au passé trouble et au physique repoussant, accompagné de Morn Hyland, une splendide jeune femme qui lui semble entièrement asservie. Entièrement ? Peut-être pas, ainsi que le laisse penser le regard qu’elle lance à Nick Succorso, jeune et beau pirate. Chaque client du bar interprète ces faits d’une certaine manière, ce que nous rapporte l’auteur dans un premier temps. Mais ceci n’est pas la véritable histoire… celle-ci est bien plus complexe qu’il n’y paraît.
Stephen Donaldson ouvre avec cet ouvrage le cycle des seuils : système de sauts à travers l’espace, mais aussi « vice caché » de l’humanité car, au passage du seuil peut se déclarer une grave folie mettant en péril tout l’équipage d’un vaisseau. L’univers est noir, dur et froid, tel un astéroïde perdu dans l’espace ; les personnages sont riches et souvent violents ; les mots sont crus, le style rapide et fluide. Beaucoup regretteront toutefois la quasi absence de dialogue sur les quelques 200 pages du roman ! Ceci accroît la sensation d’absence de vie. Oh, certes l’histoire des personnages nous est connue, leurs souffrances et leurs espoirs nous sont exposés à nu, mais la distance du récit rend même l’horrible acceptable, dramatiquement acceptable. Et c’est ce que recherche Donaldson ! Il s’en explique à la fin du roman et développe aussi l’aspect wagnerien (Richard, par Roland) de son œuvre, aspect qui, n’en doutons pas, sera bien plus visible sur le cycle pris dans son entier.
Une ouverture intéressante donc, riche de possibilités, mais dure également, certainement à déconseiller aux plus jeunes lecteurs. J’émettrais pour ma part un avis mitigé, tant il est vrai qu’entre l’ambiance générale et la narration continue, on ressort de ce livre avec un goût amer dans la bouche, un peu déçu. Attendons la suite…