« Si le diable existait, je suis sûr qu’il aurait l’apparence d’un insecte », déclara un jour en interview Guillermo del Toro, à l’époque de la sortie de Mimic (1997). Del Toro n’est pas tout seul à considérer ces bestioles comme des monstres, alors même qu’ils sont l’espèce de loin la plus nombreuse en termes d’individus sur la planète. Éleveuse dans le Lot-et-Garonne, Virginie (jouée par Suliane Brahim) est convaincue que l’avenir de l’alimentation humaine passera par là, aussi elle a abandonné son cheptel caprin, qui de toute façon rapportait trop peu, pour passer à la culture de sauterelles. Un choix périlleux, au mépris des a priori et du dégoût atavique éprouvé par ses semblables à l’égard, entre autres, des orthoptères, même aromatisés au curcuma et au curry.

Le cinéma d’horreur se fait souvent l’écho des peurs de son époque, et Soleil Vert, par exemple, prophétisait déjà en 1973 l’effondrement du système écologique et l’épuisement des ressources alimentaires. Dans La Nuée, on n’en est pas encore là, tout semble encore possible dans la mesure où les mentalités évoluent. Cela dit, le film de Just Philippot suggère un nouveau danger : conduits à la prolifération par un élevage intensif, les insectes ne finiraient-ils pas eux-mêmes par nous bouffer ? Dans leurs serres en forme de dômes, d’aspect quelque peu science-fictionnel, les sauterelles maousses, grouillantes et vrombissantes montrées dans le film ne risquent pas de rassurer les entomophobes. Cependant, contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer, le métrage ne s’engage pas vraiment dans la voie du film d’agression animale (n’attendez pas que les nuées de sauterelles aillent s’abattre sur les populations locales paniquées), mais le danger qu’il met en scène menace bel et bien la vie de l’éleveuse, Virginie, et de ses enfants Gaston et Laura. C’est largement suffisant pour qu’on ait peur, de même qu’on est effrayé en songeant aux extrémités auxquelles peut être réduit n’importe quel agriculteur financièrement en difficulté. Voilà un autre aspect de ce film riche et d’autant plus passionnant qu’il est porté par l’interprétation hors pair de Suliane Brahim, du reste solidement secondée par tout le reste du casting. La Nuée a été distingué par le Prix de la Critique et le Prix du Public au palmarès du 28ème Festival du Film fantastique de Gérardmer.

Sortie dans les salles françaises le 16 juin 2021.