Ils sont quatre têtes brûlées, dont une femme, et ils sont flics. Une bande de trafiquants a massacré  un de leur pote et collègue, alors ils se lancent dans une expédition punitive nocturne dans la tour HLM désaffectée où les dealers ont pris leurs quartiers. Les premiers échanges de coups de feu font couler le sang, mais ce n’est qu’une mise en bouche avant le carnage qui va suivre : cette nuit-là, les morts ont décidé de se relever et de précipiter le monde dans l’Apocalypse des zombies.

 

Face aux mâchoires carnassières des cadavres ambulants, flics et malfrats n’ont pas d’autre choix que de se liguer pour s’extraire de la tour assiégée par la horde. Pour aller où ? La télévision émet encore, il est question d’une route d’évacuation d’urgence vers une base militaire. Alors il faut se tailler un chemin dans les couloirs, les cages d’escaliers, au détour desquels ne manquent pas d’apparaître des paquets de morts-vivants. L’ambiance est à la Resident Evil (le jeu vidéo, pas le film !), jusqu’à ce que fasse son apparition la véritable vedette de La Horde : René, la soixantaine bien tassée, ancien combattant d’Indochine qui se croit tout à coup revenu dans la cuvette de Dien Bien Phu. Dernier occupant de la tour, le papy très résistant a sorti l’artillerie pour éclater les zombies comme si c’étaient des « Jaunes »…

La Horde révèle avec ce personnage une ascendance qu’on ne lui soupçonnait pas, celle du cinéma français populaire des années 1950-60. Lorsque René convie à sa table nos héros porte-flingues, il leur sort de sa réserve perso une bonne bouteille de poire (« Quinze ans d’âge, j’allais pas la boire tout seul ! »). Et quand il leur dresse le portrait haut en couleurs de sa femme défunte, on croirait entendre Gabin taillant un costard à la femme du cafetier dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara. Dans le rôle, le vétéran de la Comédie-française Yves Pignot, qui s’essaie pour la toute première fois de sa riche carrière au cinéma d’horreur hardcore, convoque par sa faconde les fantômes d’un cinéma révolu dominé par Jean Gabin, donc, mais aussi Michel Simon ou encore Raimu  L’épaisseur drôlatique que Pignot donne à son personnage apporte à La Horde un cachet inespéré dans un film de ce genre, lui conférant une identité profondément française. Autre comédienne habituée des planches (et des films de son compagnon, Albert Dupontel), Claude Perron interprète quant à elle une femme-flic revancharde qui entend bien récompenser d’une balle dans le crâne tous ceux qui ont pris part à l’exécution du père de son futur enfant. Son prénom charmant, Aurore, n’augure en rien la détermination, voire la sauvagerie, dont elle va se montrer capable face aux armées en putréfaction. L’actrice est phénoménale. Marcel moulant, calibre au poing, elle est l’égale d’une Sigourney Weaver face aux aliens avec, en supplément, une bonne dose de hargne. La scène où elle fracasse une goule sur tous les placards d’une cuisine restera longtemps dans les mémoires.

A part ça ? D’autres comédiens (Jo Prestia et sa gueule de boxeur, Jean-Pierre Martins, massif et fragile à la fois, Eriq Ebouaney en dealer nigérian charismatique…) tout aussi bluffants dans leur manière de servir les dialogues aux petits oignons mijotés par les scénaristes du film (la verdeur comique des répliques fera aussi penser à Michel Audiard). Et tout autour, un déluge d’action, d’énergie pure, avec du gore à l’hectolitre, des rafales de riot gun à s’en faire péter les tympans, le tout dans une atmosphère rougeoyante de fin de monde. La Horde ? Un grand film d’horreur, un grand film tout court qui, à n’en pas douter, trouvera naturellement sa place au palmarès de la prochaine cérémonie des César. N’est-ce pas ?

Sortie dans les salles le 10 février.