Premier long métrage de fiction de Wes Craven, La Dernière Maison sur la gauche (1972), était — et est encore — un film éprouvant dont les protagonistes sont habités par des pulsions de mort. Avant un concert de rock, deux jeunettes en mal de sensations improvisent une expédition haschich dans les bas quartiers. Elles échouent dans l’antre d’un grand méchant loup, Krug. L’affreux personnage et sa bande de crapules en cavale ne sont que brutalité et appétits… Appétits de sang, de sexe, de bouffe, que leur intelligence de bipèdes ne sert qu’à satisfaire. Civilisées, les deux biches qui tombent entre leurs griffes n’ont pas d’armes pour lutter. Leur destin est scellé, et la suite du film est le récit dérangeant de leur calvaire et de leur fin. Puis l’on assiste à la vengeance des parents qui, s’improvisant bourreaux, mettront eux-mêmes à mort les tortionnaires de leurs enfants.

Un film qu’il est judicieux de replacer dans son contexte social et historique : à l’époque, les États-Unis étaient embourbés dans les horreurs du conflit vietnamien, et les massacres perpétrés en Asie par les forces US soulevèrent des vagues d’indignation et de protestation sur le sol américain. Le retour de l’homme à l’animalité, le rapport à la barbarie, furent ainsi au centre des préoccupations de plusieurs jeunes cinéastes, notamment Craven, et la morale de Last House… était sans appel : la nature de l’homme n’est pas bonne, et, par pure volonté de nuire ou par esprit de vengeance, n’importe quel individu est prêt à faire une croix sur son éducation et ses principes pour se livrer aux pires exactions.

Dirigé par le cinéaste grec Dennis Iliadis, Last House… 2009 assume totalement son statut de remake en reprenant la trame et le découpage en trois actes du film de Craven. Mais ceux qui espéraient une œuvre aussi désespérée et sauvage en seront pour leurs frais : s’inscrivant dans la longue suite de resucées mercantiles qu’Hollywood nous sert depuis quelques années, ce nouveau métrage n’est sous-tendu par aucun discours un tant soit peu subversif. Il ne fait écho à aucun fait d’actualité et n’a pas de message à délivrer.

Pis encore : il s’agit d’un film prudent qui, sous des dehors de thriller hardcore (interdit aux moins de 16 ans en France, classé R aux États-Unis), ménage tout de même la chèvre et le chou en préservant le confort du public. Ici le montage se veut très fluide, la photographie est léchée (rien à voir avec le grain sec naturaliste de la pellicule 16mm jadis impressionnée par Craven), les personnages sont tous sexy, y compris la bande d’« affreux » ! Et la violence s’avère bien plus soft que chez Craven : contrairement au scénario d’origine, l’une des filles en réchappe, et le final, censément barbare, devient vite prétexte à un jeu de massacre grand-guignolesque dont les péripéties font plus rire qu’autre chose (l’idée la plus grotesque étant celle de l’explosion de crâne par micro-ondage, en guise de plan de conclusion par-dessus le marché !).

Si vous êtes cinéphile, donc curieux(se), vous pouvez en revanche risquer un œil sur un autre remake du film de Craven, Le Train de l’enfer d’Aldo Lado, qui date de 1974. Je dis bien « risquer » car autant vous prévenir tout de suite, c’est un film crapoteux, sordide, limite condamnable, comme en témoigne d’ailleurs sa nature malhonnête (il s’agit d’un remake « officieux », donc un plagiat pur et simple). L’ultimo treno della notte (titre original italien) narre ainsi les déboires de deux étudiantes maltraitées dans un train de nuit par un duo de loubards et une complice de circonstance. Les sévices réservés aux demoiselles seront particulièrement odieux… Donc, je le répète, attention les yeux ! Et gare aussi aux oreilles : au menu des supplices se trouve en plus une horrible chanson de générique, composée par Ennio Morricone mais miaulée par un Demis Roussos plus geignard que jamais !