La littérature fantastique traverse, en ce moment, une crise dont on ne sait s’il l’on en verra le bout un jour. Étrange paradoxe, ce genre n’a jamais été aussi populaire grâce aux médias télévisuels. Mais certaines associations résistent courageusement et nous font découvrir ces auteurs du troisième type, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs. Catharsis en est une et nous avons rencontré son fondateur : Lionel Bénard.
Khimaira : Quand et comment est née l’association Catharsis ?
Lionel Bénard : L’association Catharsis est née en 2004 et est déclarée auprès de la préfecture de Nogent sur Marne. Depuis plusieurs années, je participais à des ateliers d’écriture d’une association et je désirais passer à la vitesse supérieure. Lorsque l’idée d’un livre d’art s’est précisée, j’ai passé du temps sur les forums internet. Je me suis intéressé aux retours qui m’aidaient à mettre ce projet sur les rails, tout en évitant de m’attarder sur les propos cambronniens.
Après quatre ans d’existence, lorsque je regarde les numéros parus avec des auteurs anglophones comme Masterton, Hodge, Braunbeck et surtout des découvertes comme Kealan P. Burke, Everson, Morton, je suis content. Je le suis davantage quand je vois les auteurs francophones qui sont derrière ces locomotives, car je suis sûr qu’il y a des auteurs à qui Catharsis est en train de mettre le pied à l’étrier et que l’on verra à un moment ou à un autre sur une scène littéraire plus importante.
K : Quels sont les pôles d’activité de l’association ?
LB : L’association a réalisé un livre d’art qui contenait les nouvelles francophones des quatre premiers numéros. Il a permis de louer une salle pour des ateliers d’écritures. Les auteurs participants verront leur texte publié dans une anthologie.
L’association participe à des rencontres et des festivals. Publier une revue, même à faible tirage, est une chose, il faut aussi penser à les vendre et donc promouvoir les textes que Borderline contient. Pour l’instant, l’association a réussi à remplir une bonne partie de son contrat : publications, festivals et ateliers. Il reste encore un ou deux objectifs à atteindre et j’espère que l’année 2009 sera aussi constructive que 2008.
K : Et les prochains projets (association, fanzine, publications) ?
LB : Lors de la dernière assemblée générale, il apparaissait que l’association avait besoin d’une sérieuse vitrine sur internet pour réaliser et surtout mettre en avant ses publications et ses projets. La préparation d’un site est en cours. À côté de cela, je souhaiterais beaucoup que deux projets voient le jour : la publication d’une novella d’un auteur que le public francophone connaît via Borderline et Khimaira : Kealan P. Burke, mais priorité sera donnée au recueil issu des ateliers, avec des textes anglophones. Mais tout cela mérite une préparation plus importante du fait de la conjoncture actuelle. A côté de cela, un numéro spécial « Bizaro » est en préparation avec des textes en grande partie anglophones. Ce numéro de Borderline sortira en mai 2009 et la lecture des textes réservera d’agréables surprises…
K : Aurais-tu un ou plusieurs conseils à donner aux jeunes auteurs de fantastique ?
LB : Le premier : écouter les « anciens ». Quand un auteur aguerri vous dit que votre texte a besoin d’être travaillé, alors il faut le faire et non se convaincre que vous avez raison et lui tort : c’est une perte de temps. Je conseille la lecture du livre de S. King Écriture, mémoires d’un métier, riche d’enseignements.
Le second conseil : ne pas hésiter à lorgner sur les autres genres littéraires : scénario, théâtre, poème, haïku (si si si !). Se faire sa propre culture. Avant d’écrire, il faut aimer lire.
Et enfin, le dernier conseil : pour écrire de bonnes histoires, il faut avant tout oublier les genres. Un peu paradoxal, mais c’est essentiel. Une bonne histoire fantastique est une histoire dont les éléments fantastiques servent de catalyseur pour souligner une ou des émotions, pas l’inverse. Ce qui est valable pour tous les genres d’ailleurs.
K : Cette année, Catharsis a publié l’excellent recueil de nouvelles de Gary C. Braunbeck, Les allées de Cocagne. Peux-tu nous en parler ?
LB : Une maison d’édition m’avait contacté pour mener un ou plusieurs projets. J’en avais proposé deux : un recueil d’auteurs anglophones et un second de Gary A. Braunbeck. Pour plusieurs raisons, rien n’avançait. J’étais très déçu. Le hasard a voulu que durant la même période, l’auteur proposât sur son site un fichier contenant les textes que l’on retrouve dans Aisles of plenty. Il a accepté avec plaisir que l’association le publie.
Les allées de Cocagne est représentatif de la littérature que l’association Catharsis cherche à promouvoir : textes intimistes, personnages touchants. Le recueil se situe à des années lumières de l’horreur et du fantastique traditionnels. Le plus important : il n’est pas anxiogène. Au contraire : il divertit tout en cherchant à savoir « pourquoi ? » certains évènements dramatiques transforment la vie des héros. Les polars, séries cumulent les scènes d’hémoglobine pour générer des émotions ; or en tant que lecteur ou spectateur, on arrive à saturation. Pas avec les textes de Braunbeck.
K : Une association, c’est aussi ses bénévoles. À part toi, président et homme à tout faire, quelles sont les autres bonnes âmes qui oeuvrent pour Catharsis ?
LB : Aaaah, l’association ne serait en effet pas grand-chose sans l’aide d’un certain nombre de membres. Il y a d’abord ma compagne, Céline, qui m’a beaucoup aidé quant aux choix et aux orientations de départ. Par la suite, deux personnes, Maxime Le Dain et Jacques Fuentealba ont fait partie des premiers à apporter leur aide tant par leur participation aux salons que pour les suggestions, corrections, et surtout traductions d’un certain nombre de textes. C’est à Maxime que l’on doit l’essentiel de la traduction du recueil. Jacques, pour sa part, a suggéré très vite de faire découvrir des auteurs hispaniques. Cela a mis du temps, mais le Borderline qui y est consacré est très sympa et je le sollicite régulièrement pour en publier d’autres. Ce qu’il y a d’intéressant à travers ce travail, c’est en particulier les échanges via internet. Je n’ai pas rencontré tous les membres, comme François qui effectue les résumés des numéros parus pour le site, mais cela a pu se faire pour d’autres comme Céline B. ou encore Jérome de la Librairie Abraxas., sans parler de certains auteurs. Il y a quelque chose de très constructif et enrichissant dans ce cercle constitué de passionnés. Il y a l’écriture et aussi le désir de vouloir découvrir des choses différentes. Borderline était une aventure un peu solitaire au début, mais à présent quand je vois le nombre de participants dans et autour de Borderline, c’est très agréable.
K : Souhaitons un franc succès à l’association Catharsis et laissons à Lionel Bénard le mot de la fin.
LB : Borderline existe depuis quelque temps et ce fanzine continuera d’exister grâce à la participation des auteurs et surtout des lecteurs qui voudront bien s’abonner et soutenir l’association. L’association n’a pas la prétention d’une grosse maison, mais on a des idées, aussi les lecteurs de cette interview qui désirent participer, suggérer, proposer des idées seront toujours les bienvenus. Et vive le fantastique et les bonnes histoires !
Site officiel de l’association Catharsis : http://legendsleoben.free.fr/