Plus de soixante-dix ans après le décès de son créateur, L’Appel de Cthulhu fait encore couler autant d’encre que de sang dans les récits de feu Howard Phillips Lovecraft. Preuve en est ce jeu qui revient sur le devant de la scène sous l’égide de Edge Entertainment.
   Petit historique rapide, si vous le permettez. Le jeu de cartes de l’Appel de Cthulhu a vu le jour en 2004 sous la forme de cartes à collectionner dans la lignée des autres jeux du même type. Cependant, ce format n’attira pas les fans de Lovecraft jusqu’à ce que l’éditeur ait la bonne idée de le transformer en Jeu de Cartes Evolutif dans lequel les extensions sont prédéterminées afin de satisfaire plus rapidement les joueurs. D’où son retour cette année…
   Cependant, un tel jeu ne s’achetant pas uniquement pour la collection, voici un petit tour d’horizon de ses qualités et défauts:
   Première constatation, les cartes sont plutôt belles, sombres à souhaits pour certaines, et les illustrations valent le coup d’œil. Sans oublier les statuettes de six centimètres de haut, représentant un Cthulhu accroupi –ou peut-être ramassé sur lui-même prêt à nous bondir dessus– servant à marquer un domaine «exploité».
   Seconde constatation, les règles proprement dites diffèrent sur plusieurs points avec celles des autres jeux de cartes à collectionner, pardon, «évolutifs». Par exemple, il ne s’agit pas d’affronter son adversaire, mais de remporter des cartes histoires. La troisième obtenue désignant le vainqueur. Pour ce faire, il est de mise d’effectuer des luttes dans quatre disciplines distinctes dont chacune a des effets différents. Deux d’entre elles sont plutôt bénéfiques, puisque seules les réussites comptent. Par contre, les deux autres peuvent, en cas d’échec, entraîner la mort d’un personnage ou le rendre fou. Tout à fait dans l’ambiance des écrits de Lovecraft où les héros finissent rarement intacts.
   Pour activer une carte et la mettre en jeu depuis sa main, les joueurs doivent faire appel à la puissance contenue dans un «domaine». C’est à dire, une réserve de cartes dont le nombre doit correspondre, au minimum, au coût de la carte jouée et dont l’une au moins doit appartenir à sa faction. Très classique? Pas tant que cela car ces domaines sont remplis avec n’importe quelle sorte de cartes et ces dernières sont en quelque sorte «perdues» pour la durée de la partie. Il est donc nécessaire de faire des choix qui influenceront l’orientation du jeu. De plus, il n’est possible, sauf carte spéciale, de ne disposer que de trois domaines. Ce qui limite également le nombre de possibilité. Pire encore, «exploiter» un domaine contenant quatre carte pour mettre en jeu un personnage n’en nécessitant que trois n’apporte rien de plus, si ce n’est d’avoir utilisé une puissance en pure perte alors qu’elle aurait pu être mieux employée durant le tour.
   Bien évidemment, chaque carte apporte son lot d’avantages ou d’inconvénients. De même, les personnages engagés sont plus ou moins résistants, rapides ou loyaux à une faction donnée. Ils possèdent également une ou plusieurs des capacités utilisées durant la phase de lutte pour s’approprier une carte. De fait, il vaut mieux prévoir de regrouper plusieurs cartes différentes pour augmenter ses chances d’obtenir une réussite en fonction des opposants placés par son adversaire. Ceci engendre un type particulier de constitution de deck. Car, puisqu’il est nécessaire d’avoir des groupes de personnages disposant de tous les types de capacités, le jeu de chaque joueur doit contenir des cartes complémentaires. Rien à redire à cela. Sauf que, du coup, certaines factions se voient être associées à d’autres malgré leur différence évidente de but si l’on s’en réfère à l’univers de Lovecraft. Par exemple, les membres de l’Agence, comme ceux de la prestigieuse Université de Miskatonic, doivent travailler «en terme de jeu» en collaboration avec les adeptes de Chtulhu ou de Shub-Niggurath pour pouvoir remporter des luttes de Terreur. Dans le même ordre d’idée «iconoclaste», si l’on se réfère aux écrits du maître, ne sont immunisés à la démence que les personnages possédant l’icône de Terreur ou celles dotées de l’Attribut Volonté. Pourquoi pas! Sauf que, de fait, il est possible de voir un Profond, un Mi-Go, un Byakhee ou un mort-vivant devenir dément. Oui en terme de règle, non selon Lovecraft.
   Finalement, Le jeu de cartes Evolutif de l’Appel de Cthulhu est suffisamment intéressant et différent des autres pour permettre de passer d’excellent moments autour d’une table. Cependant, les véritables puristes des textes de Howard Phillips Lovecraft risquent de ne pas y retrouver leur univers favori. Reste à savoir si l’on joue pour le plaisir ou pour recréer une ambiance particulière. Après tout, est-il possible d’imiter le maître de Providence?