Depuis 1998 et le succès du premier livre du cycle des Ravens, AubeMort, l’anglais James Barclay s’est posé en digne successeur de David Gemmell. Khimaira est revenu avec lui sur les traces des guerriers Ravens, hommes et elfes, mercenaires au code d’honneur infaillible jetés sur les routes d’un monde magique mais impitoyable…
 

Khimaira : J’ai lu dans une de vos interviews que vous étiez un fan de Terry Pratchett. A première vue, votre fantasy ne donne pas dans le même genre « délirant », son travail a-t-il quand même eu une influence sur le vôtre ?
James Barclay :
Jusqu’ici pas encore. J’aime énormément les livres de Terry Pratchett parce qu’ils sont toujours très drôles et qu’ils sont un moyen idéal de quitter le monde réel. Je ne lis plus autant de fantasy que dans le temps car ça n’est pas l’idéal pour se changer les idées après avoir passé la journée à en écrire ! Heureusement, les livres de Pratchett sont à des années-lumière de ce que j’écris moi et je les apprécie toujours autant. Cela dit, j’ai toujours eu envie d’écrire quelque chose de comique, mais pas forcément de la fantasy humoristique, et en me gardant bien d’écrire quoi que ce soit qui puisse sembler directement dérivé de Pratchett. Je suis en train d’écrire ma première novella dans ce domaine et je m’amuse beaucoup à le faire. L’avenir me dira si les lecteurs s’amuseront autant à la lire.

K : Votre inspiration vous est d’abord venue à travers les jeux de rôle. Diriez-vous qu’ils constituent un bon moyen de développer son imagination et sa créativité ? L’écriture est-elle un prolongement naturel des jeux de rôle ?
JB :
Absolument. Un jeu de rôle bien mené permet aux participants de s’imaginer complètement dans leurs rôles, de visualiser les situations dans lesquels ils se trouvent et d’échafauder des solutions. Cela stimule l’hémisphère créatif du cerveau et développe énormément l’imagination. En plus, les jeux de rôle constituent une excellente échappatoire et, par la même occasion, permettent à l’esprit de s’aventurer dans des régions inconnues de l’expérience. Dans un bon jeu de rôle, on ne vous fournit que le minimum, par comparaison avec un film ou un livre, alors on doit remplir les trous soi-même, et du mieux possible. Et puis le jeu de rôle permet aussi de développer l’esprit d’équipe (ou du moins il devrait) et c’est une bonne chose pour la vie quotidienne. Maintenant, est-ce qu’il constitue une manière naturelle d’accéder à l’écriture ? Je suppose que oui. En tout cas c’est ce qui m’est arrivé. Le problème est que les éditeurs ne veulent pas de simples réécritures d’aventures jouées, il doit toujours y avoir quelque chose de novateur et d’intéressant et un écrivain venu du jeu de rôle doit faire attention à ce que son histoire soit détaillée, riche et vivante, et ne pas se laisser prendre au piège de raconter les grands moments d’un partie, qui ne se traduiront jamais sur la page. Ce que je veux dire par là, c’est qu’il faut utiliser les jeux comme source d’inspiration, mais seulement pour les dépasser.

K : La force des Ravens semble venir de leur code d’honneur. Ce respect du code est-il la valeur première d’un véritable guerrier d’après vous ?
JB :
C’est en tout cas l’une des valeurs premières. Un guerrier doit respecter à la fois ses amis et ses ennemis. Un guerrier qui mène un combat de front avec d’autres personnes ne peut pas se permettre d’être égoïste. Il doit être aussi habile que discipliné, et avoir à chaque instant à l’esprit les conséquences de ses actes au cour de la bataille. Le code d’honneur est un élément fédérateur entre les guerriers. Grâce au leur, les Ravens ont gagné un respect, une réputation et un honneur considérable. C’est grâce à leur code que leurs alliés leur font confiance, car il signifie qu’ils peuvent se faire confiance mutuellement sans se poser de question. Le code dirige aussi leur comportement en dehors des champs de bataille, ce qui est aussi très important. Evidemment, savoir manier une arme est crucial dans un combat, mais seul l’action correcte est pérenne et garantit au héros une survie plus durable.

K : Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire d’un groupe de guerriers ?
JB :
Ce que j’aime dans les groupes de guerriers, et tout spécialement les Ravens, c’est explorer leur manière de se comporter les uns avec les autres. Lorsqu’on fait leur connaissance, ils sont déjà des amis de longue date. Ils ont tous un rapport à l’autre particulier, ils ont tous leurs
manières et façons de faire, qui font qu’ils se querellent et se taquinent, mais ils ont à la fois un respect et une amitié
profonde et constante.
Le groupe me permet aussi d’introduire quelques failles dans les héros. J’ai toujours eu un peu de mal avec les livres à héros solitaire. Principalement parce qu’on se doute le plus souvent qu’ils vont survivre à la fin. Je voulais empêcher mes lecteurs d’avoir ce genre de certitude, faire en sorte qu’il soit impossible, dès la première page, de dire si tous les Ravens allaient survivre. Cela augmente de beaucoup la tension. En plus je ne crois pas que tout le monde puisse survivre dans un monde aussi dur, alors il y a des gens qui meurent. Cela ne rend que la fantasy plus crédible.

K : La magie a aussi une certaine importance dans vos livres. S’agit-il d’après vous d’un élément indispensable en fantasy ?
JB :
Je ne crois pas qu’il faille forcément avoir de la magie dans un livre pour qu’il soit de la fantasy. C’est une norme acceptée dans de nombreux romans, et personnellement, j’adore explorer les aspects techniques de la magie et ses effets, mais il y a d’excellentes histoires de fantasy qui ne mentionnent même pas ce mot ! Dans le cycle des Ravens, j’ai utilisé la magie en remplacement de nombreuses technologies comme la médecine, la communication, l’artillerie, la sécurité, la défense… parce que j’avais besoin de quelque chose pour expliquer pourquoi ces technologies ne s’étaient pas développées autant qu’on aurait pu l’attendre. La magie doit être une partie crédible de l’univers du cycle. Elle ne peut pas exister comme simple pouvoir indépendant du reste. La magie a un impact sur chaque moment de la vie et il faut prendre cela en compte. Elle doit aussi avoir ses limites. Si elle n’en avait pas, si elle pouvait tout résoudre à volonté, je crois que ce serait franchement ennuyeux.
 

K : Pour finir, pouvez-vous nous dire quelques mots de vos projets en cours ?
JB :
Bien sûr. Après avoir achevé le cycle des Ravens, je me suis tout de suite mis à écrire le premier des deux livres d’une série appelée The Ascendants of Estorea, où j’examine justement les effets de la naissance de la magie dans un empire très ancien. C’est un livre qui explore la pression qui pèse sur les individus doués de magie et sur ceux qui n’ont pas ce pouvoir et sont terrifiés par ce qu’elle représente. L’idée de départ est que la magie affecterait absolument tout, des relations individuelles à la guerre, de l’organisation de la société aux croyances religieuses.
Cette série est mon projet principal pour le moment, mais comme je vous l’ai dit tout à l’heure, je suis aussi en train d’écrire un novella comique. Et à côté, j’ai aussi des projets de livre pour enfant, je suis en train de travailler sur  deux scénarios (pas de fantasy mais de cinéma contemporain), et j’espère pouvoir bientôt explorer d’autres facettes du monde du cinéma en tenant un rôle dans le film d’un bon ami à moi l’année prochaine, mais je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant ! J’ai aussi des idées pour des courts métrages que je pourrais peut-être réaliser moi-même. Je n’en suis pas encore sûr mais c’est un média que j’aime beaucoup et avec lequel j’ai envie d’expérimenter.
Cela dit je continue quand même à me concentrer principalement sur l’écriture. J’ai quelques projets de romans de fantasy, et j’espère signer un contrat avecmon éditeur dans les prochains mois. Je suis un écrivain avant tout et je ne veux pas me disperser…du moins pas trop !