Le Festival de Gérardmer 2007 a rendu un hommage mérité à son Président du Jury, Irvin Kershner. Le réalisateur américain a signé, entre autres, Les Yeux de Laura Mars (1978), RoboCop 2 (1990), et bien sûr L’Empire contre-attaque (1980), pour beaucoup le meilleur film des deux trilogies Star Wars. « Kersh » a partagé avec Khimaira ses souvenirs du tournage de ce monument de la science-fiction.

Quels souvenirs gardez-vous de votre travail avec George Lucas sur L’Empire contre-attaque ?
Quand Lucas m’a proposé de mettre en scène L’Empire contre-attaque, j’ai commencé par refuser. Avec La Guerre des étoiles, il avait signé une des plus grandes réussites du cinéma, et je ne voyais pas comment une suite pouvait être à la hauteur. Mais Lucas tenait beaucoup à faire un second film et espérait franchement le voir surpasser le premier. C’était un pari risqué pour lui car la totalité du budget, soit 21 millions de dollars, ne venait pas des caisses de la 20th Century Fox mais de sa propre poche ! Il était décidé à investir jusqu’à son dernier cent. Pour le réalisateur qui allait tourner, c’était une sacrée responsabilité, et ça m’a fichu un peu la frousse !
 
Qu’est-ce qui vous a décidé à accepter ?
On a passé ensuite un mois entier à se rencontrer et à se parler au téléphone, et j’ai fini par accepter le boulot, mais à la condition de bénéficier d’une liberté totale sur le tournage. Il m’a rassuré en répondant qu’il tenait à ce que je réalise le film à ma façon. J’ai alors engagé mon propre caméraman, mon propre monteur, mon décorateur, bref, tous les gens avec qui j’aimais travailler. Pendant le tournage, qui a eu lieu en studio à Londres et en extérieurs en Norvège, Lucas a tenu parole et n’a pas quitté la Californie. Il est bien venu deux fois sur le plateau, mais uniquement pour affaires.
 
Tous les acteurs de La Guerre des étoiles ont rempilé pour ce second film. Comment s’est passé le tournage avec eux ?
L’Empire… a été mon tournage le plus facile à vivre. Les comédiens se sont tous montrés coopératifs, et surtout Mark Hamill, qui exécutait au pied levé tout ce que je lui demandais. La seule question épineuse que j’ai eue à résoudre avec les acteurs venait du dialogue d’une des dernières scènes, celle où Han Solo est emprisonné par Dark Vador dans la plaque de carbonite. Dans les instants qui précèdent la cryogénisation, la Princesse Leia crie « Je t’aime ! » à Solo juste avant qu’on l’emporte. Dans le script de Lucas, il devait répondre « Je t’aime aussi. » Quelle mauvaise réplique dans la bouche de Han Solo ! En disant cela, il faisait une croix sur sa personnalité macho en donnant l’avantage au personnage féminin. Alors on a tourné et re-tourné la scène une bonne dizaine de fois en essayant d’autres répliques, jusqu’à ce qu’Harrison tombe sur celle qui ne contredisait pas la nature de son personnage: « Je sais. »
 
Comment Lucas a-t-il réagi ?
On a visionné ensemble le montage de la scène, et il a tout de suite remarqué le changement ! Il s’est exclamé: « Mais ce n’est pas ma réplique ! Et en plus elle est drôle, alors que le moment est censé être dramatique ! » Il ne comprenait pas. Je lui expliqué: « Justement, c’est pour cela que le public doit rire. La fin de la scène n’en paraîtra que plus intense. »
 
Les films de cette première trilogie Star Wars sont ressortis plus tard en salles, mais Lucas les a reliftés…
Pas le mien ! Il a voulu en effet que ces films soient remasterisés, que le son soit remixé. Il a aussi tourné de nouveaux plans et ajouté des effets spéciaux pour séduire le public des années 1990. La Guerre des étoiles et Le Retour du Jedi sont donc repassés sur la table de montage, mais pas L’Empire contre-attaque, que Lucas a jugé parfait tel quel !. Il a juste rallongé de quelques secondes la scène du monstre des neiges, au début du film, parce qu’il projetait d’en faire une figurine-jouet !