L’origine mythologique des elfes
L’origine des elfes se trouve dans la mythologie nordique. Les scandinaves avaient une mythologie riche de nombreux dieux et créatures. Certaines de ces créatures étaient liées à la terre, d’autres au royaume des morts et d’autre au royaume des dieux. Les alfar (au singulier alf) étaient des divinités mineures, une sous-catégorie de dieux que les chrétiens ont par la suite comparé aux anges. Cependant, les anciens nordiques différenciaient nettement deux catégories d’alfar : les Iosalfar (elfes lumineux) et les Svartalfar (elfes noirs). Les premiers étaient proches des dieux, notamment de Freyr, qui représentait le soleil, et était appelé le « seigneur des alfes lumineux ». D’ailleurs, il est dit que Freyr vivait à Alfheim, c’est-à-dire la demeure des alfes (ou monde des alfes). Quant aux seconds, les alfes noirs, ils étaient liés à la terre et vivaient sous le sol, craignant le soleil.
Selon certains, alfes noirs et nains ne forment qu’une seule et même race. Ce rapprochement est vérifié dans l’Edda de Snorri Sturluson, texte moyenâgeux qui fait figure de référence en matière de mythologie nordique. Cependant, ce texte est l’un des seuls sur le sujet qui nous soit parvenu et Snorri Sturluson vécut à une époque (le XIIIe siècle) déjà christianisée. Autant dire que l’origine des elfes s’est en partie perdue et que la connaissance qui nous en est parvenue demeure lacunaire et déformée par des croyances postérieures.
En effet, au fil des siècles, les folklores scandinaves se sont mélangés à d’autres, notamment celtiques, ainsi qu’à la chrétienté, ce qui a conduit à de nombreuses confusions entre elfes, fées, lutins, trolls et autres esprits de la nature. L’assimilation entre elfes (nordiques) et fées (celtiques), en est un exemple flagrant. Cette confusion a pu être renforcée par certaines traductions. On citera le Songe d’une nuit d’été, de William Shakespeare, dans lequel ses fées (fairies en anglais) deviennent les elfes en français.
Difficile, dans un tel contexte, d’avoir des certitudes sur les elfes. Leur apparence physique elle-même n’est guère décrite et l’on sait seulement qu’ils sont d’une grande beauté, ce qui nous permet tout de même d’en déduire qu’ils ont une apparence humaine, tout comme les dieux nordiques eux-mêmes, largement anthropomorphes. Quant à leur dénomination actuelle d’elfes, certains avancent que le mot elf serait la forme féminine de alf, mais il pourrait aussi bien s’agir d’une déformation due au temps ou au passage d’une langue à une autre.
On ne saura malheureusement jamais tout de l’origine des elfes. Les historiens et les mythographes en sont réduits, pour une part, à des conjectures face à la perte d’une culture qui était principalement orale et que les écrits de Snorri Sturluson n’ont pas permis de sauvegarder en intégralité.
Tolkien et les elfes
L’influence de Tolkien sur les elfes a été considérable. Ses romans les ont formatés tel que le grand public les conçoit aujourd’hui. Malgré quelques variantes selon les auteurs et les cycles, les elfes de la Fantasy moderne ont conservé nombre des caractéristiques dont les avait doté Tolkien.
Pour créer ses elfes, Tolkien s’est largement inspiré de la mythologie nordique, qu’il connaissait particulièrement bien. De la mythologie, il ne retint que les Iosalfar, les elfes lumineux. Il reprit l’idée de leur grande beauté, puis leur donna des traits physiques bien définis : oreilles pointues, haute taille, silhouette élancée, etc.
Par opposition, Tolkien s’inspira des Svartalfar pour en faire les nains, qui vivent sous terre, où ils sont mineurs et forgerons. C’est sans doute de cette opposition mythologique qu’est née la légendaire antinomie entre elfes et nains, qui ne sont pas vraiment ennemis, mais ne sont certainement pas amis. Là où les elfes sont décrits comme grands, sages, beaux et nobles, les nains sont dits petits, bougons, disgracieux et avides, bien qu’ils partagent avec les elfes un goût prononcé pour la réclusion et l’isolement du reste du monde et que les deux races combattent généralement dans le même camp.
Les elfes de Tolkien sont donc assimilés à des êtres supérieurs, qui représentent le bien. Ils sont d’une grande sagesse, très cultivés et intelligents, et leur immortalité les rapproche des dieux. Ils ont également la capacité de voir dans le monde des morts et certains, comme Elrond, ont des dons de voyance et sont doués pour la magie. Les elfes sont proches de la nature et notamment de la forêt, ils savent être à l’écoute du monde et « voient » plus loin que les humains, qui n’ont pas leur degré de compréhension.
Sur la Terre du Milieu, ils sont censés éduquer les Hommes, dont la race est, comparativement, faible et disgracieuse. Les Humains sont même souvent décrits comme des « enfants », dont la courte vie les pousse à l’impulsivité et aux actes irréfléchis. Chez Tolkien, les elfes représentent une idée de la perfection, une civilisation arrivée à son apogée et qui demeure figée du fait qu’elle ne peut plus s’élever. Ils représentent également le passé et la nostalgie et malgré toutes leurs qualités, leur race est condamnée à disparaître face au règne implacable des Hommes.
C’est ainsi, en reprenant les mythes nordiques et en les remodelant, que Tolkien a créé les elfes de la Fantasy moderne, dont la plupart des romans, bandes-dessinées et jeux vidéos reprennent aujourd’hui les standards.
Les elfes en Fantasy moderne
Après Tolkien, les elfes ont subis de nouvelles transformations, mais ils sont restés très semblables à ceux de la Terre du Milieu. L’avènement du jeu de rôles Donjons & Dragons a popularisé la Fantasy et, avec elle, son cortège de créatures traditionnelles : dragons, nains, orcs et elfes. Pour les besoins du JdR, les elfes ont vu leur taille se réduire par rapport à celle des humains, ainsi que leur résistance physique, afin d’équilibrer le jeu. Les elfes ont donc, par la suite, eu tendance à être décrits comme plus faibles physiquement, bien que très agiles et doués notamment au tir à l’arc (Legolas n’y est pas pour rien).
De même, les jeux de rôle ont humanisé les elfes, qui ont ainsi perdu de leur aspect divin. Devenus plus faibles face à leurs émotions, les elfes ont pu se montrer haineux, calculateurs et ils ont même perdu leur immortalité dans certains cycles, comme dans la série Lancedragon. Nombre de rôlistes, qui se sont lancés dans l’écriture de romans dans les années 80, ont influencé l’image des elfes en ce sens. C’est pourquoi ces créatures du bien sont parfois devenues émissaires du mal.
Les romans mettant en scène Drizzt (personnage des Royaumes Oubliés), en sont un parfait exemple. Drizzt est un drow, une race d’elfes apparut avec le jeu de rôle. Les drows sont des elfes noirs, mais qui n’ont pas de lien avec les Svartalfar nordiques. D’ailleurs, elfes, nains et elfes noirs constituent aujourd’hui trois races bien distinctes, où les elfes noirs ont conservé la beauté propre aux elfes, ainsi que leurs aptitudes à la magie, mais pour de bien noirs desseins.
Malgré des traits communs, les elfes ont pris diverses formes depuis Tolkien. Dans la plupart des cycles de High Fantasy, ils combattent le mal aux côtés des humains et des nains, mais on les rencontre parfois sous des formes très différentes, tels les Menilbonéens de Moorcock, qui, bien qu’ils ne soient pas nommés comme tels, font penser aux elfes, eux qui sont membres d’une race supérieure, mais dont la civilisation s’effondre. D’autres romans leur ont donné des formes plus originales. Dans la série des Lancedragon, par exemple, on voit apparaître des elfes aquatiques et les elfes de maison de Harry Potter sont bien éloignés des Eldar de Tolkien.
Cependant, les digressions restent rares et, malgré quelques divergences suivant les auteurs et les cycles, les elfes ont su conserver un certain standard tolkiennien. Aujourd’hui, ils font immanquablement partie du décor de la Fantasy, aux côtés des dragons, des nains et des orcs.