L’histoire s’engage comme celle du Voyage de Chihiro, mais les pages nous entraînent vite du côté de Saw et de Squid Game ! Nous sommes à bord d’une voiture familiale conduite par Kenji, accompagné de sa jolie épouse Misa et de leurs deux ados, Rin et Ritsu, 13 et 16 ans. Où vont-ils ? Mystère. Le papa a préparé une surprise pour le week-end et la météo semble au beau fixe mais d’un coup, Kenji semble ne pas se souvenir de la destination qu’il a choisie ni de l’itinéraire à emprunter… Bientôt ils s’égarent sur une route de campagne et débouchent aux portes d’« Happy Land », un parc d’attractions inconnu où les accueille un drôle de type caché derrière un masque de lapin. Entrez, profitez, à Happy Land, tout est gratuit ! Incroyable, n’est-ce pas…

Les deux tomes d’Happy Land sortent simultanément en librairie, il n’y aura pas besoin d’attendre de longues semaines avant d’avoir le second volume en main et de savoir exactement de quoi il retourne, c’est-à-dire de comprendre les raisons de l’existence de ce parc de cauchemar où les manèges sont tous piégés. Une fois monté à bord du grand huit ou dans les tasses à café, il n’y a qu’une façon d’en sortir indemne : il faut soulager sa conscience en hurlant à la cantonade un secret qu’à aucun prix on n’aurait révélé. Kenji et sa famille devront tous y passer, et ça ne va pas être triste. Le mangaka aux manettes, Shingo Honda, tire à balles réelles sur les faux-semblants, sur les hypocrisies diverses et quotidiennes, sur les rancœurs enfouies et les gros mensonges qu’on raconte aux autres autant qu’à soi-même pour que la vie et la comédie humaine puissent continuer (l’obsession de la performance et la tyrannie de l’image sociale en prennent aussi pour leur grade, ce qui n’est pas mal non plus). Et si les héros de l’histoire, contraints et forcés, ont le cran de déballer leur quintal de linge sale sur la place publique, il n’en va pas forcément de même avec les autres personnages, citoyens anonymes précipités dans les affres sanglants des attractions du parc. Un très bon manga d’horreur, prenant, bien rythmé, dont les passages gore incommodent beaucoup moins que le contenu dérangeant et misérable, accompagné de torrents de larmes — et des sarcasmes du « lapin » ! —, des nombreuses confessions forcées.

En librairie le 20 octobre 2022.