Il en va des albums de musique comme de n’importe quel autre média: certains sont faciles à aborder, d’autre beaucoup moins. Le nouveau Rhapsody of Fire fait indéniablement parti de la seconde catégorie. Non seulement en raison de la complexité de leur musique, mais aussi de la situation dans laquelle celui-ci sort aujourd’hui après plusieurs années d’une absence quasi totale – pas d’album, pas de scène et aucune communication d’aucune sorte ou presque, à la suite d’une brouille avec le management du groupe.

Dans le même temps, cette rupture est une occasion en or pour inaugurer une nouvelle période pour le groupe. Reign of a Thousand Flames a en effet en sont temps marqué un pinacle pour le combo Italien mettant fin à une première période pleine d’inventivité. Par la suite, il faut bien dire que le groupe s’était enlisé dans une espèce d’écriture en mode automatique, avec beaucoup de talents certes, mais aussi avec un résultat très répétitif.

L’album commence plutôt mal de ce côté avec la voix de Christopher Lee, l’acteur reconverti en prince du Heavy Metal depuis qu’il a été débauché par Rhapsody (il même vient de sortir un album à son nom sur le thème de Charlemagne. Ne me demandez pas un avis sur cet album, la simple vision de la pochette a réussi à me faire fuir). Déception de courte durée heureusement: la prestation de Lee se limite au minimum, soit juste ce qu’il faut pour donner un peu du cachet à l’ambiance sans atteindre l’indigestion. Le groupe reprend ainsi la plupart des (intéressants) apports apparus progressivement sur leurs précédents enregistrements, comme l’utilisation de l’italien sur les ballades – dommage de ne pas l’avoir aussi testé sur les passages plus Heavy !

Le tout, soit 9 titres sans les bonus et le morceau d’introduction, est fidèle à la réputation du groupe, à base de morceaux rapides martelés à la double grosse caisse, de refrain chantant et, histoire de se reposer, de ballades. Celles-ci sont au nombre de deux, ce qui paraitre beaucoup sur 8 titres. Elles sont aussi étonnamment groupées – une seule petite piste les sépare, créant une sorte de rupture dans le rythme général. C’est bien le seul défaut de cet album d’ailleurs, et encore ne choquera-t-il que les plus métalleux. L’album ne dure par ailleurs "que" 53 petites minutes. Un chiffre important pour la plupart des groupes, mais raisonnable pour Rhapsody et qui lui permet de garder une certaine efficacité tout du long.

Si les compositions sont donc sans surprise, c’est du côté des orchestrations qu’il faut chercher les nouveautés. D’une part, les parties orchestrales sont bien mieux mélangées aux parties métalliques et ne sont plus réservés aux introductions ou aux ponts. D’autre part, Frozen Tears semble profiter de l’expérience de Turilli sur ses albums solo pour ce qui est de l’orchestration des voix. Exemple frappant avec le magnifique Reign of Terror où les chœurs agressifs et le chant de Fabio Lione se répondent tour à tour dans ce qui est l’un des meilleurs morceaux de l’album – titre que, vu l’importance des chœurs, nous avons hélas peu de chance de voir en live. Sur Crystal Moonlight, le chant de Lione fait aussi directement penser à celui d’Olaf Hayer sur King of The Nordic Twilight, le premier album solo du guitariste.

Rhapsody livre donc un excellent opus. Il ne révolutionne certes pas le groupe (ce n’est pas ce qu’on aurait attendu d’eux de toutes façons) mais conserve tout son efficacité doublé ici d’une certaine fraicheur, tout en restant fidèle à son style. A moins que leur absence prolongée n’ait créé un manque et n’ait effacé, passage du temps oblige, la lassitude qui s’était progressivement installée?