1981. Cette année-là sortent deux films devenus des classiques du cinéma lycanthrope: Le Loup-Garou de Londres de John Landis, où un étudiant américain essuie une attaque de grosse bestiole dans la lande anglaise, et Hurlements de Joe Dante, où une journaliste de télévision s’immisce dans une drôle de communauté dirigée par un psychiatre-gourou.
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Approche du loup
La transformation en bête est le point d’orgue des films du genre. C’est le moment attendu, celui qui, souvent, est caché au début pour mieux être révélé par la suite.
Cette étape est l’expression symbolique du passage de l’humain à l’animal, de la conscience à l’inconscience, du jour à la nuit, et, pour finir, du bien au mal. C’est là le fondement même de la légende originelle, mais ce n’est pas la voie choisie dans Hurlements: fi de la pleine lune comme ingrédient sine qua non de la métamorphose, cette dernière s’effectue à volonté. Pour Joe Dante, le processus est délibéré et la forme animale n’est qu’un masque permettant d’accomplir des méfaits. Le monstrueux n’y submerge pas la conscience humaine horrifiée comme dans Le Loup-Garou de Londres; c’est l’humain qui est déjà monstrueux en lui-même.
Voilà qui pourrait être le point de départ d’une réflexion originale, mais ce n’est pas le cas. La faute à un scénario tiré par les cheveux et à des personnages caricaturaux: l’héroïne journaliste Karen White ne peut porter à elle seule le film sur ses épaules, et les dernières secondes à l’écran du docteur-gourou-garou George Waggner laissent entrevoir le potentiel inexploité du rôle… On a finalement l’impression de regarder une sorte de slasher à poils, là où John Landis exploite le thème de l’affrontement entre bien et mal de manière rafraîchissante.
Fourrure et tradition
En effet, le métrage de ce dernier s’oppose à Hurlements en traitant de manière originale une intrigue plus classique. Tous les ingrédients du film de loup-garou sont réunis, la référence principale étant The Wolf Man (1941) de… George Waggner (on notera la référence de Hurlements), évoqué explicitement dans le dialogue. Attaque par une nuit de pleine lune, corps humain retrouvé en lieu et place de l’animal abattu, dénégation du héros face à la malédiction, le tout compliqué par une histoire d’amour… Mais le film évite de s’enliser dans les poncifs en étant également, voire surtout, une histoire d’humour. Ainsi les tribulations du héros, qui, au matin, se réveille nu en plein Londres, ou les visites que lui rendent ses victimes devenues zombies sont l’occasion de séquences savoureuses teintées d’un humour tantôt noir, tantôt slapstick. Une prise de recul qui, par ailleurs, n’ôte en rien à l’impact des scènes d’horreur, notamment celle de la métamorphose, devant laquelle il est difficile, en fan d’épouvante, de ne pas prendre de plaisir.
Esthétique de l’horreur
Nous en arrivons à la partie esthétique de cette scène-clé, qui marque de nouveau la différence entre les deux films. Landis choisit d’en faire la séquence centrale de son film et la fait durer plusieurs minutes en alternant gros plans et angles plus larges afin de trouver un équilibre entre la détresse du personnage et la mise en avant des formidables effets spéciaux de maquillage. Joe Dante préfère quant à lui répéter ses effets au cours de plusieurs scènes comparables afin de provoquer la peur. Une stratégie sans doute payante à l’époque, mais qui souffre aujourd’hui de ses carences techniques, accentuées par l’usage quasi exclusif des gros plans. Le film est également décrédibilisé par une scène érotico-monstrueuse s’essayant maladroitement au morphing, ainsi que par un final censé concentrer l’émotion mais qui, hélas, frise le grotesque.
Hurlements semble donc enfermé dans son époque, Joe Dante faisant abstraction de tout le pan symbolique du mythe du loup-garou pour ne livrer qu’un simple film de monstres. Le Loup-Garou de Londres, au contraire, réussit à transcender ce cadre par son second degré revendiqué, John Landis s’amusant avec la légende sans prétention aucune mais avec réussite.