La musique traditionnelle irlandaise est plutôt pragmatique lorsqu’il s’agit de nommer les morceaux: noms de lieux, de personnes, événements historiques ou anecdotes. Les contes n’y apparaissent donc qu’à de rares occurrences, mais qui méritent qu’on s’y intéresse.
Les morceaux faisant référence aux anciennes légendes irlandaises sont tous des compositions récentes. Par contre, les Sidh, ou êtres fées, sont présents depuis longtemps dans la musique traditionnelle. La plus célèbre, la Bean Sidhe ou Banshee, y a plusieurs morceaux à son nom. La principale caractéristique de cette créature féminine est que son chant, qui est plus souvent une lamentation, annonce la mort de celui qui l’entend. Il n’est donc pas étonnant que des morceaux s’intitulent également Banshee Cry ou Banshee Wail (pleur de la Banshee).
Les autres Sidh, ou Fayries en anglais, sont présents dans une vingtaine de titres. Séamus Ennis, joueur de cornemuse, chanteur et conteur, ne manquait pas de rappeler les histoires liées à certains morceaux. Les trois suivantes ont été collectées par ses soins. Reel et hornpipe sont les noms de danses irlandaises:
The Gold Ring (l’anneau d’or): une nuit, un joueur de cornemuse trouve le courage d’aller écouter la musique que les Sidh jouent dans les bois. Il est particulièrement enthousiasmé par une jig qu’ils jouent. Au matin, alors que les Sidh sont retournés dans leur demeure, il trouve là où ils étaient un petit anneau d’or. Il revient la nuit suivante, et au lieu de musique, il entend les pleurs du Sidh joueur de cornemuse, qui se lamente de la perte de son anneau. L’homme se montre alors et lui rend l’anneau. Le Sidh lui accorde un vœu et l’homme demande à apprendre la jig qu’il a entendue la nuit précédente, et qui depuis, est nommée The Gold Ring.
The Fayrie Reel: sur la petite île de Tory, un homme va chercher ses moutons. En chemin, il entend une musique: des Sidh jouent The Fairy Reel. Etant un bon danseur, il se montre et commence à danser. Mais il se rend compte bien vite qu’un enchantement l’empêche de s’arrêter, et les Sidh ne semblent aucunement vouloir cesser leur musique. Arrive un second homme, qui n’entend aucune musique, et ne voit pas les Sidh, et qui demande au premier ce qu’il est en train de faire. Une voix lui répond que le danseur est ensorcelé, et ne pourra s’arrêter que si une main mortelle le touche. Le second homme le touche alors, et l’enchantement est rompu.
The Fairies’ Hornpipe: un jeune homme rentre d’une fête un peu tard et perdu, il s’endort au milieu d’un champ. Une musique inconnue le réveille et il aperçoit des Sidh qui dansent. Le lendemain, il raconte ce qu’il a vu à ceux de son village, mais tout le monde pense qu’il a abusé de boisson. Il joue alors l’air qu’il a entendu. Comme même les plus anciens ne le connaissent pas, on le croit finalement.
Malheureusement, ce morceau précis n’est pas associé depuis toujours à cette histoire, car son nom le plus ancien est Mor Mhluana (More of Cloyne). Mais un lien demeure peut-être, car Mor est le nom d’une ancienne Déesse dans la région de Cloyne.
En dehors des Fayries, peu de créatures fantastiques apparaissent. Certains affirment néanmoins que le morceau Maid of Mullaghmore se nomme en réalité Mermaid of Mullaghmore, et qu’il raconte l’histoire suivante: le jeune Capitaine d’un bateau de pêche entend le chant d’une sirène. La sirène croise son regard et ils tombent amoureux l’un de l’autre. La sirène lui confie une dague, lui disant qu’il doit la planter dans l’eau s’il est en danger mortel. Puis elle va demander à son père l’autorisation d’épouser le Capitaine. Mais son père se met en colère et provoque une terrible tempête. Le Capitaine et son équipage essaient d’y résister, en vain. Le Capitaine se résout alors à utiliser la dague et la plante dans l’eau. La tempête cesse aussitôt. Dans l’eau calme, il voit remonter le corps de la sirène, la dague plantée dans le cœur. Désespéré, il retourne chez lui et ne reprend plus jamais la mer.