Les coyotes parcourent les grandes étendues désertiques de l’Ouest américain, des États-Unis au Mexique. Ils rôdent aussi dans une certaine ville-frontière où ils s’en prennent aux femmes, et rien qu’aux femmes… Celles-ci ont compris la menace, elles s’organisent et sont prêtes à en découdre avec la vile engeance.

Les grands mythes du fantastique sont inépuisables, à même de fournir aux esprits inspirés une riche matière narrative. C’est le cas de Coyotes, comics signé Sean Lewis et Caitlin Yarsky. Les canidés du titre s’avèrent être des garous, ce sont les hommes de la ville qui, cédant à leurs plus bas appétits, se repaissent de toute la chair fraîche qui leur tombe dans la gueule. Arrivant après la lamentable affaire Weinstein (et en même temps que le scandale Epstein, tout aussi pitoyable), après les abjectes déclarations sexistes de D. Trump, la parution de Coyotes ne manque pas d’interpeller à divers niveaux de lecture. À la fois femmes et mexicaines, les héroïnes de l’histoire pourraient passer pour des victimes-nées aux yeux des Blancs phallocrates parmi les plus retors ou bas de plafond. Sous la plume de Sean Lewis et le crayon de Caitlin Yarsky, c’est une autre musique : la jeune Analia, alias Rouge (dont le regard nous fixe sur la couverture), chassée dès son plus jeune âge, se bat avec fierté et courage aux côtés de ses « sœurs », et passe plusieurs spécimens baveux au fil de son katana.

Le scénariste ne néglige pas de justifier l’angle de la lycanthropie sous lequel il a choisi de raconter l’histoire : même si elle s’interprète à un niveau métaphorique, la présence des garous est étayée par un lien qui, pour le coup, rattache moins le livre au folklore mexicain qu’aux légendes indiennes (les bestioles à crocs descendent d’un loup gigantesque, présent dans le récit). Un maillage thématique finement tissé, hélas contrebalancé par une narration parfois décousue, heurtée (et ajoutons au passage que les tournures de la traduction française ne sont pas toujours heureuses). Néanmoins les personnages, puissants, le trait magnifique de Caitlin Yarsky et la mise en page dynamique sauvent largement la mise et nous font guetter l’arrivée du prochain tome de cette saga épique, sanglante et féministe.