Qui n’a pas rêvé d’avoir les commandes de Goldorak entre les mains ou de se retrouver dans les bras d’une Sky Doll ? Objet de servitude, sujet de réflexion sur la condition humaine ou machine de guerre, le robot est un thème de choix en BD. Khimaira se lance, pour vous, sur ces pistes mécaniques…
 
Parler de robots en bande dessinée dirige immédiatement nos esprits vers le pays du Soleil Levant. Si les cyborgs ont tant de succès dans les contrées nippones, cela tient à deux phénomènes précis. Le premier est la relation puissante qui lie le Japonais à la technologie. Le second est le lien entre anime, manga et produits dérivés qui semblent faire partie d’un seul et même univers.
Peu après la seconde guerre mondiale, c’est déjà grâce à un robot que les caractéristiques essentielles du Manga seront mises en place. Osamu Tezuka conçoit Astro Boy (Tetsuwan Atomu) en 1951. Le « petit robot », créé dans la série par le professeur Ochanomizu sur fond de tragédie, connaîtra un succès phénoménal. Cette création apporte au genre les grands yeux expressifs des personnages, le mouvement et les onomatopées indispensables à la lecture des récits. Astro aborde déjà l’idée d’un robot proche des hommes (il a un cœur, certes atomique, mais un cœur quand même !) mais rejeté par ceux-ci à cause de sa différence.
 
Mecha et consorts
Avec le développement industriel, les producteurs nippons de jouets vont vite entrevoir le filon que représente la production de robots. Dérivés de séries ou les inspirant à leur tour, les robots allaient déferler sur le japon et le monde.
Gô Nagai frappera très fort avec son célèbre Goldorak (UFO Robot Grendizer) que toute une génération de français a connu grâce au dessin animé diffusé à la toute fin des années 70 sur Antenne 2.
Des séries comme Tetsujin 28, Patlabor, Gundam, Macross… considèrent le robot d’abord et avant tout comme un ustensile, une arme, un objet. Cela se sent immédiatement dans leur figuration. Ils sont gigantesques, solides, télécommandés. Bref, de bien jolis et passionnants jouets pour petits et grands !
 
Vers plus de philosophie…
De nouvelles séries vont exploiter le thème des robots mais dans un registre différent. On quitte l’esprit purement guerrier pour s’interroger de plus en plus. Les robots peuvent-ils aimer ? Les robots ont-ils une âme ? Sont-ils nés pour servir l’homme ou pour lui succéder ? Renouant avec les pensées de Tezuka à travers les aventures d’Astro, des séries comme Evangelion, pourtant très commerciale, Gunnm, Ghost in the Shell, Metal Brain, etc. sont tantôt des critiques sociales, tantôt de véritables interrogations philosophiques ou psychologiques même si l’action est toujours bel et bien présente.
Metal Brain, manhwa de Kim Jun Bum (Tokebi), par exemple, nous conte l’histoire de la rébellion des cyborgs prônant l’égalité avec les humains. Un policier ayant perdu sa femme et sensible à la tristesse de son fils, se décide à acheter un cyborg en tous points identiques à son épouse. Troublé par la ressemblance et les souvenirs partagés, il finit par la rejeter. Cette dernière rejoint alors les rangs du Metal Brain. Toute la force de l’histoire repose sur le déchirement des héros, la femme-cyborg, son « mari » et son « fils », autour de cette question universelle du caractère vivant ou non d’un être artificiel.
 
Et pour le monde occidental ?
Si les robots recueillent un succès énorme en Asie, dans les comics et la bande dessinée, ils jouent plutôt les méchants, comme les Sentinelles dans X-Men. La plupart de nos héros affrontent un jour ou l’autre la cruelle invention d’un savant fou ou les machines de guerre d’extra-terrestres peu conciliants.
Même si certains héros sont des robots comme Machine Man, Robocop et dans une certaine mesure Iron Man, les créatures mécaniques prisées par nos auteurs ont souvent un rôle secondaire, d’assistant ou de professeur. C’est le cas dans la série Sillage où le robot Nsob s’occupera de la petite Nävis, et Snivel en deviendra son robot à tout faire. C’est encore le cas pour Nao (Aquablue) et son robot-nurse Cybot.
Dans Le Petit Monde, Morvan, grand fan de Manga, nous montre également une robot-nurse s’occupant d’enfants baignés dans une société hyper technologique. Morvan signe par ailleurs une série-hommage aux Mechas japonais où deux armées de robots s’affrontent (Meka, chez Delcourt). Autre hommage au manga, Big Guy de Frank Miller voit un robot géant s’élever contre une créature menaçant de destruction la ville de Tokyo.
 
Mais ce qui semble fasciner les auteurs occidentaux, c’est la possibilité de développer l’intelligence du robot. Plus que l’âme, sujet sensible chez les Japonais, c’est bien l’intelligence qui semble définir le caractère « vivant » de l’androïde. Dans IAN, Fabien Vehlmann pousse à fond cette piste et rend son invention plus humaine que nature.
 
Oh oh oh, jolies poupées !
Noa est une poupée mécanique qui bosse dans un astrolavage sous les regards lubriques de ses clients. Son destin la conduira à travers l’univers, plus vivante que jamais, afin de marquer de son être la lutte opposant les disciples de la papesse Ludovique et les adorateurs de l’immaculée Agape.
Sky Doll est une série qui doit son succès à un graphisme exceptionnel et une histoire bien ancrée dans nos préoccupations toutes actuelles. Elle combine allégrement les clés de réussite du manga et de la BD. En effet, le questionnement sur l’âme et la philosophie chères à nos amis japonais sont bien présents dans la série, l’humour et l’action plus occidentaux également. Le mélange des genres rend le tout accessible à un large public. Tout cela sur fond de critique sociale et d’anticipation basée sur le fanatisme, le sexe, la médiatisation à outrance et les religions. Alors que les « hommes » semblent perdus, seul le robot/poupée Noa apparaît comme salvatrice par sa pureté.
 
Deux voies robotiques en guise de conclusion
En parcourant toutes ces séries, deux directions se dégagent nettement. La première développe des robots-outils, prétextes à une action étincelante, de gros jouets qui se retrouvent le plus souvent entre les mains potelées de nos bambins émerveillés devant de telles mécaniques (quand ce ne sont pas les parents qui les collectionnent bien sûr !).
 
La seconde se sert de la figure du robot pour remettre en question les certitudes de l’homme. Les relations créateur-créature, la soi-disant suprématie de l’homme, l’âme, l’intelligence, autant de sujets débattus par l’intermédiaire du robot. Autant de représentations différentes également, où, étrangement, au plus il est question d’être vivant pour le robot, au plus celui-ci se rapproche physiquement de l’homme. Tout comme l’extra-terrestre intelligent est très souvent anthropomorphe, le robot qui développe des sentiments ne peut être qu’androïde. Et c’est surtout sous cette forme qu’il nous fait peur. Dans la série Reality Show, la quatrième loi de la robotique exprime pleinement cette crainte en fixant un interdit: « Un robot ne doit ni ressembler à un être humain ni développer la moindre émotion, afin d’éviter qu’il ne finisse par se croire l’égal de son créateur« .
La figure de l’Autre, autrefois traitée sous l’apparence des monstres, puis des extraterrestres, a trouvé dans la bande dessinée un représentant bien ancré dans nos préoccupations contemporaines sous les traits d’acier du robot.
 
Christophe Van De Ponseele
 
Quelques séries à lire…
Aquablue, Cailleteau, Vatine, Tota, Delcourt
Astroboy, Osamu Himekawa, Panini Comics
Big Guy, Frank Miller, Darrow, Delcourt
Neon Genesis Evangelion, Yoshiyuki Sadamoto, Glénat
Getter robot go, Gô Nagai, Ken Ishikawa, Dynamic Visions
Goldorak, Gô Nagai, Gosaku Ota, Dynamic Visions
Gundam Wing, collectif, Pika Edition
Ghost in the Shell, Mamoru Oshii, Kana
Gunnm, Yukito Kishiro, Glénat
IAN, Fabien Vehlmann, Ralph Meyer, Dargaud
Machine Man, collectif, Marvel
Macross 7 trash, Haruhiko Mikimoto, Glénat
Meka, Jean-David Morvan, Bengal, Delcourt
Metal Brain, Kim Jun Bum, Tokebi
Patlabor (Mobile Police), Masami Yuuki, Kabuto
Petit Monde (Le), Jean-David Morvan, Toru Terada, Dargaud
Reality Show, Jean-David Morvan, Francis Porcel, Dargaud
Robocop, Frank Miller, Juan José Ryp, Albin Michel
Sillage, Jean-David Morvan, Philippe Buchet, Delcourt
Sky Doll, Alessandro Barbucci, Barbara Canepa, Soleil