Dresser le portrait du vampire en bande dessinée amène tout naturellement à une image plurielle. Car si le cinéma et la littérature ont suivi un long cheminement, ponctué de changements, d’essais, de réactions, la B.D. a explosé sur un temps très court cette image du Saigneur de la nuit. Et encore, nous sommes loin d’être sortis de cette fabuleuse exploration du mythe. Pour témoin le projet d’Alain Ayroles et Bruno Maïorana qui nous emmènera dans une histoire de vampires dans l’Angleterre victorienne… à paraître chez Delcourt, probablement au cours de cette année.
Voyons d’un peu plus près trois figures marquantes et pourtant si différentes du vampire en BD.

Vampire classique pour série phare

En créant le vampire Kergan dans Le Prince de la Nuit, Yves Swolfs empruntait le chemin d’une image assez classique du vampire. Kergan est séducteur tout en étant un monstre. Il est l’incarnation véritable du Mal auquel s’oppose, depuis toujours, les Rougemont. La série, scénarisée et dessinée par Yves Swolfs, pose avec un certain brio la dichotomie Bien/Mal. C’est un retour aux sources non négligeable à une époque où le vampire, dans la littérature et au cinéma, semble avoir beaucoup perdu de sa monstruosité. Sous des dehors romantiques (du moins l’aspect physique de Kergan), le monstre est bel et bien présent. Un monstre sans morale et sans pitié.
Soulignons enfin combien le travail de coloriste de Sophie Swolfs est remarquable. L’atmosphère qui se dégage des couleurs employées est unique et contribue pour beaucoup à l’instauration du malaise lors de l’apparition du vampire. Choisir une représentation classique n’est pas toujours facile. Ici la réussite est pleine et entière.

De la cape au cuir

Lorsque Dufaux a en tête une idée de scénario sur les vampires mêlant fantastique et policier, Marini n’hésite pas un instant !
De la rencontre de ces deux hommes naît Rapaces, une série originale basée sur des créatures violentes et sanguinaires : Camilla et Drago. Ces deux superbes vampires viennent venger la mort de leur père, Don Molina. On découvre que les vampires se sont regroupés en une société secrète et puissante qui dirige le monde. Face à Camilla et Drago se dresse une génération de vampires vieillots, vautrés dans leur vie dénuée d’animalité. Des vampires ayant renoncé à «saigner les humains» pour pouvoir mieux les asservir. Mais les Molina ne l’entendent pas de cette oreille… Oreille ? Un mot clé dans ces aventures puisque, étrangement, les vampires possèdent derrière l’oreille un
kyste qui, une fois percé, signifie leur mort.
D’une violence inouïe, cette série captivante nous confronte à des vampires plus instinctifs encore que le Kergan de Swolfs, mais en même temps plus ancrés dans notre réalité. Ils vivent pleinement leur époque et partagent des goûts extrêmes qui sont spécifiquement ceux des êtres humains : puissance, pouvoir, sexe… Enfin, le graphisme développé par Marini est également un atout majeur de cette série. Certaines cases nous coupent littéralement le souffle (mais d’autres, malheureusement, beaucoup moins…). Les couleurs sont percutantes et renforcent l’idée d’action.

Exit le monstre !

Avec Je suis un vampire de Trillo et Risso, on quitte la couleur pour entrer dans l’ombre d’un jeune garçon, fils de Pharaon. Un jeune garçon frappé d’une malédiction l’ayant rendu immortel et donc âgé aujourd’hui de cinq mille ans ! Face à l’enfant sans nom se dresse son ennemie éternelle, cruelle prêtresse. Deux figures opposées sur nombre de points, le premier étant que lui, en son état d’enfant, ne peut connaître l’amour charnel tandis qu’elle s’y adonne sans cesse…

Alors qu’on ne l’attendait pas, cette série a surgi du néant et a connu un succès mérité. Le fait de présenter le héros vampire sous les traits d’un enfant amène également une figure intéressante. Les auteurs ont choisi de suivre le chemin tout naturel qui lie l’image de l’enfant à la sagesse et la bonté (voire la naïveté ?). Le vampire, ici raconté, est donc un «bon» vampire qui doit «supporter» sa condition. Et cela mérite le coup d’œil.
Côté graphisme, l’utilisation du noir et blanc permet également d’accentuer le jeu d’ombres et donne à la série une originalité par rapport aux deux autres précitées.
Trois séries, brièvement présentées, mais qui valent le détour. Pour terminer, nous ne pourrions que conseiller quelques titres supplémentaires aux passionnés de graphisme : le Nosferatu de Druillet, Le Dracula, Dracul, Vlad ?, bah… de Breccia ou encore le Dracula de Mignola, adapté du film de Coppola. Et les très remarqués collectifs Vampires, sorti aux éditions Carabas.

Qu’il soit enfant, monstre ou personnage ancré dans notre société, le vampire en bande dessinée n’a pas fini de faire parler de lui. Cette figure richissime du fantastique vient seulement de pénétrer nos cases et nos planches. Messieurs les auteurs, vos victimes vous réclament !

 


Quelques séries à lire…

Buffy (Dark Horse/Semic)
Crimson de Humberto Ramos (Cliffhanger/Semic)
Daffodil de Rigano et Brrémeaud (Soleil)
Dracula de Hippolyte (Glénat)
Dracula de Mignola (Comics USA/ Glénat)
Dracula, Dracul, Vlad ?, bah… de Breccia
(Les Humanoïdes Associés)
Dracurella de Ribera (Le Vaisseau d’argent)
Grand Vampire de Sfar (Delcourt)
Je suis un vampire de Trillo et Risso (Albin Michel)
Le cri du vampire de Trillo et Bernet (Albin Michel)
Le Prince de la nuit de Swolfs (Glénat)
Nocturnes Rouges de Nhieu (Soleil)
Nosferatu de Druillet (Dargaud)
Petit Vampire de Sfar (Delcourt)
Rapaces de Dufaux et Marini (Dargaud)
Requiem de Mills et Ledroit (Nickel)
Vampi (Harris Comics)
Vampire princesse Miyu de Kakinouchi (Samourai)
Vampirella de Brennan, Englehart et Gonzales
(Harris publications)
Volunteer de Sevestre et Springer (Delcourt)