Arnold de Parscau est un vrai petit phénomène qui a eu la chance insolente de tourner, à l’âge de 25 ans, ce premier long métrage doté d’un casting étoilé où se côtoient Denis Ménochet (le fermier dans la scène d’ouverture mémorable d’Inglorious Bastards de Tarantino), Florence Thomassin, Virginie Ledoyen, Philippe Nahon, Yolande Moreau, Serge Riaboukine… N’allons pas imaginer une batterie de pistons : le jeune Breton a remporté il y a deux ans un concours lancé sur Internet par David Lynch (il s’agissait de concevoir le clip officiel d’une chanson composée par le cinéaste, Good Day Today). Benoît Delépine, auteur du scénario d’Ablations, a vu et apprécié le fameux clip, il a livré sur un plateau au cinéaste en herbe cette opportunité de premier long métrage.
Après une nuit de beuverie entre collègues, Pastor Catalas (Ménochet), commercial dans une boîte pharmaceutique, se réveille au petit matin, dépenaillé, au bord d’un canal. Après quelques instants d’hébétude, il retourne à son hôtel où il découvre, effaré, une cicatrice opératoire toute fraîche dans le bas de son dos. Catalas a été victime de voleurs d’organes, on lui a subtilisé un rein… Tournée par Hollywood, une telle histoire aurait vu Russel Crowe ou Nicolas Cage remonter la filière clandestine le gun au poing pour démanteler le trafic. Mais on n’est pas en Californie, et le personnage n’a rien d’un limier expert au maniement du calibre : Pastor Catalas est un individu veule et menteur, qui mène la vie dure à sa femme (Ledoyen, dans un rôle très ingrat qui la cantonne dans la cuisine ou la chambre à coucher) en la trompant à chaque déplacement professionnel. Son odyssée pour remettre la main sur son rognon s’apparente moins à une enquête qu’à une errance entre le cabinet médical de son ex (Thomassin, parfaite dans un rôle de garce vampirique) et les bars à hôtesses où le gaillard a l’habitude de traîner. On reconnaît la patte de Delépine à maintes occasions : le parcours de l’antihéros est jalonné d’étapes plaisamment grotesques, absurdes, comme si l’intrigue s’évadait dans les faubourgs surréalistes de Groland. Moreau et Nahon campent un duo de voleurs d’organes dont on se souviendra longtemps et dont les motivations, dévoilées en conclusion, ne manquent pas de surprendre. L’œuvre présente aussi des défauts (outre le personnage sacrifié de Viriginie Ledoyen, celui joué par Riaboukine se résume à une caricature), mais elle est suffisamment singulière pour mériter le « bravo ! » tonitruant lancé par un spectateur à la fin de la projo officielle au dernier Festival de Gérardmer, où Ablations était présenté en compétition.
Sorti dans les salles ce mercredi, 16 juillet 2014.