Rémanence a tout pour séduire de prime abord. Pourtant lorsqu’on se penche d’un peu plus près dans son fonctionnement, celui de ses quartiers, de son architecture et de ses écoles, on sent très vite que quelque chose ne fonctionne pas ou plus. 

Rémanence n’est pas une ville comme les autres, là-bas les maisons sont sensibles aux émotions de leurs habitants. Sensibles au point parfois comme en overdose de s’effondrer comme saturées de ce surplus de sentiments, d’émotions diverses et variées. Certaines sont réputées comme dangereuses ; toutes sont des lieudits, le lieu pour leur habitants légitimes et parfois certains sont qualifiés de non-lieus. Les émotions n’existent plus, comme si tout avait été absorbé. C’est souvent le cas d’ailleurs puisque la société de Rémanence et sa classe dirigeante notamment recueillent ces émotions, les exploitent, faisant en quelque sorte un véritable trafic de sentiments que doivent payer tous les habitants sous forme de dîme.
C’est dans ce monde que vit Astrid Brumaire, sa meilleure ami Céleste Hézébiel et leur nouvel ami, fraichement arrivé à Rémanence : Sénestre Jolimont.
Tous les trois sont en dernière année et vont bientôt passer l’épreuve finale qui, ils l’espèrent tous, les conduira vers la Verrerie, lieu suprême de l’éducation, ou vers d’autres fonctions plus ou moins agréables et cotés de la ville. Or contre toute attente, seuls Astrid et Sénestre vont réussir l’épreuve au grand désespoir de Céleste : la fin d’une belle amitié ? 

Commence alors, une aventure extraordinaire. Les fissures et les zones d’ombres déjà perçues au début du roman, vont peu à peu s’étaler au grand jour au fil de leur formation et des découvertes qu’ils vont faire les uns et les autres. Cette société de Rémanence qui exploite la majeur partie de sa population au profit d’un petit groupe en mentant à tout le monde et en cachant la réalité y compris aux siens est à bout de souffle et proche du gouffre. Astrid et ses amis au fil des Mélopées qui émaillent le récit vont peu à peu décider et parvenir à lui porter un coup fatal et à rétablir la vérité et un espoir d’un monde meilleur. 

Ce roman est un petit bonbon, un régal de lecture dans lequel on se laisse emporter, presque piéger au fil des premières pages et qu’on n’a très vite plus aucune envie de lâcher. Particulièrement bien écrit et construit, il nous parle d’une société qui ne fonctionne plus avec une trame en apparence classique d’exploitation des plus riches et puissants sur les autres avec ce qu’il faut d’emprise et de propagande (« Sol ne peut mentir ») qui se renouvelle avec l’apport de nouveautés, de surprises et d’inventions que ce soit au niveau des objets, des lieux et des personnages. 

Les lieudits ont une âme et semblent bien décidés à en découdre avec ce système insupportable.  C’est absolument magique et impossible à lâcher. Florie Maurin a réussi à créer tout un univers particulier, une ambiance étonnante renforcées par les illustrations de couverture et intérieures de Manon Diemer qui donnent à l’ensemble un cachet et un parfum de mystère et d’étrange totalement réussis. Un excellent roman de cette rentrée décidément très riche en bonheur de lecture et Mur-Murs en fait partie en haut de la liste.