Quand il était gamin, El Torres « avai[t] trois passions : ce qui faisait peur, les bandes dessinées et Conan ». Dans la postface qui ferme l’album, le scénariste espagnol révèle avoir couvé pendant plusieurs décennies l’idée de sa propre adaptation en BD des récits de Robert E. Howard, un projet enfin concrétisé : Sangre bárbara, dessiné par Joe Bocardo, sort en 2022 en Espagne et cet été en France. On y retrouve le Cimmérien au soir de sa vie, tel qu’on l’apercevait dans les dernières images du film de John Millius, avec Arnold dans le rôle-titre : Conan est un vieux roi, il a régné sur l’Aquilonie en grand monarque mais n’a plus qu’un désir, celui de se retirer d’un palais devenu prison. Abandonnant sa couronne sur un ultime champ de bataille, il part, alors même que les tribus pictes et leur cheffe Shebaba Sag fourbissent leurs armes aux frontières du royaume…

Pour El Torres, Conan incarne le monde qui l’a vu naître — sauvage, violent, où l’on survit par l’épée —, et sa fin proche annonce l’âge de la raison et de la connaissance, une ère où l’on a que faire des dieux et des superstitions, de la tyrannie des prophéties et du destin, qui privent les hommes de leur libre-arbitre. De nouvelles valeurs qui s’incarnent dans le propre fils du Barbare, lui-même portant le nom de Conan. Le récit nous fait suivre en parallèle le chemin de ces deux hommes, il porte un discours philosophique sans pour autant oublier de conserver toute sa part à l’action : c’est d’une aventure de Conan qu’il s’agit, avec son content d’affrontements sans merci. Même si la civilisation s’impose, supplantant la barbarie, on n’a pas encore d’autre choix que de terrasser ses ennemis par le fer, avec fracas, dans les cris des batailles et dans les gerbes de sang. Porté par des héros charismatiques, par une thématique forte et des images puissantes, Sang barbare est un très grand comic.

En librairie le 18 juillet 2025.