On néglige parfois de se souvenir que les auteurs passés à la postérité pour un titre en particulier n’ont pas écrit que le titre en question mais aussi d’autres œuvres tout autant dignes d’intérêt. De grands romanciers se sont par exemple illustrés dans le champ littéraire de la nouvelle, tels Robert Louis Stevenson (lisez donc Olalla des montagnes ou Le Voleur de cadavres) ou, dans le cas qui nous intéresse ici, Bram Stoker. Avant de publier Dracula, l’Irlandais signa entre autres Gibbet Hill, récit dévoilé en 1890 dans les pages du Dublin Daily Express avant de disparaître de la circulation, oublié des mortels. Mais voilà que la Bibliothèque nationale d’Irlande a récemment déterré de ses archives cette Colline au gibet que Bragelonne édite à présent dans une édition reliée, sobre et chic, relevée de fort belles illustrations de Mickaël Bourgouin et préfacée par notre illustre Maxime Chattam.

Qui donc grimpe au sommet de ladite colline ? Un personnage-narrateur, explorateur solitaire de la nature environnant Londres, qui, suivant la tradition romantique alors en vogue, ne nous cache rien de la foultitude d’émotions éprouvées alors qu’il chemine sur les sentiers. Au début, tout va bien dans la verdure bucolique, jusqu’à ce que l’homme fasse la rencontre de trois enfants — deux fillettes indiennes et un petit blond guère plus âgé. Comme ailleurs chez Maupassant, de notre côté de la Manche, le récit est celui d’un personnage plongé dans les affres d’une inquiétante étrangeté, source de malaise et d’effroi. Les gamins n’ont pas un comportement ordinaire, et notre héros anonyme en fera les frais. La qualité de la traduction de Maxime Le Dain, élegante, inspirée, fruit d’une maîtrise fine de l’anglais et de la langue française, compte parmi les plaisirs de cette (re)découverte littéraire. On s’en rend aisément en comparant la version d’origine et son pendant traduit, présentés côte à côte tout au long du récit.

En librairie depuis le 9 avril 2025.