Dans mes jeunes années, comme tout bachelier qui se respectait j’ai dû apprendre brièvement cette science humaine particulière qu’on appelle philosophie. Aujourd’hui encore je me souviens de Spinoza et de son déterminisme qui réduit l’homme à sa condition, sa destinée et qui l’empêche d’en sortir quoiqu’il fasse. Destin ou fatalité, tel est le thème qu’on retrouve ici avec cet Inexorable sous la plume exercée de Claire Favan à qui nous devons déjà quelques beaux thrillers.

Ici, c’est bien une question de destinée qui s’exprime dans ce roman saisissant. Nous y découvrons Milo, enfant dont le père va connaître la prison pour avoir été un braqueur très demandé par le milieu. Sa mère, Alexandra, se trouvera d’abord perdue entre cet enfant qui doit grandir normalement et son travail qui va l’éloigner des besoins de Milo. Ce dernier va très vite ne plus pouvoir contenir la violence qui le submerge depuis qu’il a assisté à l’arrestation musclée de son père.

Alors commence pour Alexandra et Milo un cercle infernal où chaque remède trouve ses limites et où Milo est emporté dans un maelstrom de violence qui l’entraine toujours plus loin vers la destinée funeste qui fut celle de ce père absent qui le hante. Jeune adulte, la disparition de la personne à qui il tient le plus sera peut-être son issue de secours, malgré les accusations qui sont une fois encore portés contre lui. Et si finalement, l’amour d’une mère n’avait pas limite ? Et si c’était cette volonté de sauver le peu qui reste qui pouvait mener à la rédemption, même si les méthodes employées s’avèrent plus que contestables ?

Ce roman est une descente saisissante vers le pire. Dans nos sociétés modernes, personne n’est sûr de garder son statut sans choir et tout perdre. La peur du chômage, la douleur de la solitude, la vie qu’on passe par habitude à défaut d’en comprendre le sens, voilà bien le mal de notre monde où tout perd peu à peu son sens pour répondre uniquement à la voracité inhumaine de la croissance et de la cupidité des puissants.

On ne peut pas ne pas s’identifier à Milo, à Alexandra et même à son père, tant les situations ont été à un moment ou à un autre sur le chemin de nos vies. Moins exacerbées, certes. Nous connaissons tous ces gens, ces paratonnerres du malheur qui n’échappent pas à tous les coups durs possibles. C’est à eux que ce roman m’a fait penser. Avec des chapitres très courts, la chute est présente en permanence, effaçant les espoirs les uns après les autres. Une fiction funeste et terrifiante qui, avec des mots simples, donne une claque glaçante de ce qu’auraient pu être nos vies.