On se souvient du très bon The House of the Devil, qui nous avait fait découvrir, en 2009, la patte horrifique de Ti West. Comme le film précité, le scénario de X nous raconte une nuit d’horreur, cette fois dans le cadre du Texas rural des années 1970. Trois couples d’amis de Houston prennent leurs quartiers dans un corps de ferme isolé habité par un très vieux couple, des nonagénaires (centenaires ?) qui ont sans doute perdu le compte de leurs décennies de vie commune. À leurs hôtes décatis, les locataires se gardent bien de révéler le motif du séjour : comptant parmi eux le gérant d’un club de strip-tease et deux danseuses topless, les six gars et filles entendent profiter financièrement de l’essor du cinéma porno en tournant discrètement leur propre production. La nuit venue, Pearl, la vieille dame, surprend le tournage d’une scène de lit…

X s’accommode parfaitement du canevas éprouvé de la nuit de cauchemar chez des assassins (on ne gâche pas grand-chose en divulguant que les héros seront massacrés un par un, avec une « final girl » luttant pour sauver sa peau en fin de projo). Ce n’était pas une mince affaire, également parce que l’époque choisie, le décor campagnard ainsi que plusieurs plans conçus comme des clins d’œil évoquent du déjà-vu, en premier lieu les films du début de carrière de Tobe Hooper, Massacre à la tronçonneuse (1974) et Le Crocodile de la mort (1977). Mais Ti West s’est construit une culture qui déborde au-delà de cette période, comme le prouvent des allusions appuyées à Psychose d’Alfred Hitchcock ou encore l’évocation de la Nouvelle Vague française (avec un personnage de jeune réalisateur qui se verrait bien, grosso modo, en Jean-Luc Godard du cinéma X — ha ha !). Une épaisseur cinéphilique appréciable, à laquelle il faut ajouter des portraits inattendus, prompts à susciter des émotions peu habituelles venant d’un slasher, et qui osent secouer l’audience en transgressant une sorte de tabou (à cet égard, nombreux sont ceux qui risquent de trouver deux ou trois scènes très inconfortables).

Tout cela nous donne un film d’horreur adulte, pas vraiment érotique malgré son titre et son pitch, et qui autrement se distingue par un rythme posé et une recherche formelle qui flatte l’œil en reconstituant à la perfection l’ambiance des films du genre dans les seventies. L’interprétation est dominée par Mia Goth (dans un double rôle), pas loin de devenir l’une des reines de l’épouvante moderne : après A Cure for Life, Le Secret des Marrowbone, le remake de Suspiria et ce film-ci, Goth apparaîtra bientôt dans le nouveau film de Brandon Cronenberg, Infinity Pool, ainsi que dans Pearl, le prochain de Ti West. Actuellement en cours de post-production, ce dernier titre est annoncé comme le « prequel » de ce X dont le dénouement à chute, ultime qualité, porte un éclairage imprévu sur l’un des protagonistes. Surprenant de bout en bout.

X a été distribué en salles un peu partout depuis le mois dernier (en Amérique du Nord et dans de nombreux pays européens). Rien de prévu pour l’instant sur les grands écrans français, et on peut redouter une diffusion directement en DVD/VOD.