«Action!»

Un concept génial! De mémoire de chroniqueur, Bimbo est un jeu de rôle vraiment original. De par son sujet, en premier lieu, mais aussi au travers de sa forme et de son développement. Par exemple, c’est l’un des seuls jeux possédant un cadre vide destiné à recevoir la dédicace de l’auteur en début de livret. D’une lecture très agréable via les encarts de son auteur, c’est aussi un jeu avec gagnants et se jouant sur trois niveaux. En effet, il permet aux joueurs (niveau 1) d’incarner des actrices (niveau 2) interprétant un rôle dans un film (niveau 3) avec tout ce que cela comporte d’échanges entre les trois. Cette particularité au moins représente une individualité dans le milieu du jeu de rôle où…

«Coupez! On la refait! Pas assez impartial…»

«Silence, ça tourne!»

Le nouveau jeu de rôle publié chez Sans-Détour est titré Bimbo. Il est fortement inspiré par l’univers du cinéma, et surtout, des films «d’exploitation» à petit budget (tournant souvent autour de personnages de femmes de caractère), aussi appelés «Grindhouse» (du nom des cinémas ouverts 24h/24h qui projetaient ce genre de films). Sa maquette et son sujet principal semblent indiquer que les parties de Bimbo se déroulent dans un univers peuplé de filles peu vêtues maniant des armes au travers de scènes d’action ultra-classiques. Il n’en est rien! Enfin, pas exclusivement…

L’auteur, Grégory Privat, a résumé son jeu en une seule phrase: «Bimbo est un jeu de rôle féministe et iconoclaste à narration disputée». Certes, c’est tout à fait vrai: l’iconographie du jeu est sexiste. De même, le ton employé dans les règles semble écrit dans le but de choquer, mais surtout, de dénoncer. Néanmoins, tout ceci dissimule une véritable perle ludique.

Pour tout dire, Bimbo ne suit pratiquement aucune des «traditions» du jeu de rôle. Voyez plutôt:

Dans la plupart des cas, les protagonistes connaissent, dès le début de la partie, une grande part, sinon la totalité du scénario (la plupart du temps dirigiste au maximum). Comprenez que Bimbo accorde une liberté totale aux personnages-joueurs (les actrices). Pas d’exploration d’univers, pas d’enquêtes complexes, pas de découvertes à attendre… Non! dans une partie de Bimbo, les protagonistes créent des images qui composeront un film. Si ce dernier est réussi, tout le monde y gagnera (surtout la vedette principale). Mieux encore, l’aventure est souvent dirigée par ceux qui jouent et pas par le meneur de jeu (pardon, le «Metteur en scène»).

Les jets de dés ne sont jamais cachés, même par le Metteur en scène. Dans une action, si quelqu’un (joueur ou meneur) décide d’agir et que personne autour de la table ne s’y oppose, l’action se déroule ainsi (quel que soit son niveau de difficulté). De plus, le système valorise de manière égale la réussite et l’échec. Dans certaines situations (ou «scènes»), le film sera meilleur si l’héroïne échoue (plus de suspense), voire, se sacrifie pour atteindre le but final (mais pas avant la dernière scène, voir plus loin).

Pire encore aux yeux des puristes des jeux de rôles, Bimbo incite à désigner un gagnant de la partie. Plutôt une gagnante, en fait, puisqu’il s’agit de la vedette qui parvient à décrocher la tête d’affiche. Tout cela étant chiffré via un système de points gagnés ou perdus tout au long de la partie: le score de «Star-system». Cela développe un système de compétition dans les parties incitant les joueurs à s’investir dans l’aventure bien plus que dans un autre jeu de rôle. Un aspect extrêmement motivant! En parallèle, les «points de bouclage» obligent les protagonistes à travailler en coopération afin de terminer le tournage du film. Car, si ce dernier échoue, c’est toutes les actrices qui ne seront pas payées puisque le film ne sortira jamais sur les écrans. Une expérience semi-compétitive spécifique à Bimbo!

Les personnages sont définis par seulement deux caractéristiques («Macho» et «Sexy») dont la somme est égale à six. Un moyen simple de savoir si l’actrice est plus orientée action ou séduction. De ceux-ci dépendent deux autres valeurs, l’«Endurance» (pour encaisser les dommages) et une autre, encore plus utile, le «coupez! on la refait!». Cette dernière permet à un joueur de demander (voire, d’imposer) de recommencer une scène donnée. Ceci afin de la rendre meilleure ou d’attirer un peu plus les feux des projecteurs.

Les fiches de personnages sont appelées des «books». L’originalité vient du fait qu’ils ne comportent pas une liste de compétences, mais un «répertoire». En clair, le personnage (actrice) est défini par un certain nombre de phrases, en général cinq, qui indiquent (de manière narrative) les connaissances développées grâce aux précédents rôles interprétés durant sa vie d’actrice. En début de partie, certains mots de ces phrases sont soulignés et accompagnés d’un score (d’ordinaire, 3×1, 2×2, 3×1). Source d’inspiration en cours de partie, ces indications permettent de booster des actions en conséquence.

Autre particularité de Bimbo, les personnages-joueurs, les vedettes, ne peuvent mourir avant la dernière scène. Au pire, ils reviennent à la scène suivante avec des bandages ou «un fusil à la place de la jambe» (clin d’œil à un film dans la veine de Bimbo).

Bimbo utilise de simples dès à six faces (dont trois sont fournis dans la boîte), mais, dans certains cas, il est possible d’employer des dès à dix faces. Par exemple, avec un haut score de «Macho» pour encaisser plus de défaites.

Autre particularité de Bimbo, les «plans». Il s’agit de cartes à jouer permettant de transformer les parties en véritables tournages de cinéma. Par exemple, le «travelling» qui permet d’enchaîner des actions sans être interrompu par le meneur de jeu (qui pourra toujours indiquer des effets différés, comme une blessure reçue durant l’action mais remarquée seulement à la fin du mouvement par l’actrice). Très puissant également, le «flash-back». Ou comment pouvoir se jeter du haut d’un toit en expliquant, via un flash-back, que son personnage a glissé un parachute sous ses vêtements dans une scène antérieure non montrée au public. Sans oublier le «gros plan» lié à une description détaillé d’un point précis. Comme le point faible d’un objet touché par une balle…

«Coupez! Trop long coco!»

«Action!»

Bimbo se présente sous la forme d’une boîte de rangement bien pratique abritant, outre les dés et les cartes déjà mentionnées, trois livrets. Le premier, «L’Actor’s Studio» regroupe toutes les règles à destination des actrices interprétées par les joueuses. Le second, «La Mise en Scène» est destiné au Metteur en Scène et s’avère être une véritable source d’aides pour mieux respecter l’ambiance inégalable du jeu. Enfin, le troisième, «Les Scripts» donne quatorze idées de scénarios (pardon, de «films») avec tout ce dont il est besoin pour se lancer dans l’aventure (le «tournage»). N’oublions pas, toujours dans la boîte, une fiche de personnage à photocopier (ou à télécharger sur le site de l’éditeur).

Pour conclure la scène, retenez que Bimbo permet de sortir des sentiers battus empruntés par les autres jeux de rôles. Certes, les protagonistes doivent s’immerger totalement dans le trip sans craindre d’en faire trop. Le résultat est inénarrable, mémorable, indescriptible… À essayer de toute urgence!

«Coupez, c’est dans la boîte! La Postproduction s’occupera des effets spéciaux…»

 

Teaser: Bientôt sur vos écrans Khimaira, la chronique de «Bimbo 2 – Le retour», à ne rater sous aucun prétexte…