Bon, je vais vous raconter un peu ma vie. J’ai fait la connaissance — cinématographiquement parlant — de Joe Dante en découvrant Piranhas (1978) en VHS vers 1983-84, par un beau dimanche matin, confortablement affalé sur l’horrible canapé vert à franges de mes parents. En dépit de mon jeune âge (le même que le petit gars Lucas, un des héros de ce The Hole), j’avais déjà repéré cette production Roger Corman l’année précédente lors de vacances estivales sur la côte adriatique, en Italie, où elle était encore à l’affiche. Mon œil avait été attiré par la mention sur l’affiche du nom d’Heather Menzies, jolie comédienne dont j’étais forcément amoureux puisqu’elle tenait aussi un des rôles-vedettes de la série de S.F. L’Âge de cristal, que je suivais avec passion sur Antenne 2.

Piranhas était seulement une resucée opportuniste des Dents de la mer, mais à l’époque, je m’en contrefichais, d’autant que je n’avais pas encore vu le chef-d’œuvre de Spielberg. Le film de Dante m’avait fait passer une heure trente d’enfer au moment même où d’autres communiaient à la messe. Un peu plus tard, c’est avec les mêmes yeux tout ronds que j’ai assisté, au cinéma, au délire total de Gremlins du même Dante, puis, de nouveau en vidéo, à l’épopée comique de L’Aventure intérieure (1987). Hurlements n’est venu qu’après, ainsi qu’Explorers, visionné à l’occasion de sa diffusion sur Canal+ (si je me souviens bien, un des extraterrestres du film s’amusait, dans la v.f., à imiter François Mitterrand !).

Tout ça pour vous dire qu’un nouveau film de Joe Dante, c’est important. Précisons que le cinéaste s’est fait plutôt rare dans les salles depuis le tournant du 21ème siècle, et que ses travaux récents les plus notables sont ses participations à la série Masters of Horror, dont il a tourné en 2005-06 deux épisodes politiquement engagés (le très bon Vote ou crève et La Guerre des sexes). Et voici qu’arrive chez nous tardivement le dvd de The Hole, film tourné il y a déjà trois ans, inédit dans les salles françaises alors qu’il est passé par les cinémas espagnols, britanniques, belges, italiens…

L’histoire est typique d’un nombre incalculable de productions fantastiques : une mère célibataire, Susan, et ses deux enfants Dane (le grand) et Lucas (le petit), ont quitté Brooklyn pour s’installer des milliers de bornes plus loin dans la petite ville de Bensonville. Dane fait la tronche : Bensonville est un trou paumé, et il a dû laisser tous ses potes derrière lui. Jusqu’à ce que deux événements majeurs viennent le faire changer d’avis : la rencontre avec la jolie voisine Julie et la découverte, dans la cave de la nouvelle maison, d’une trappe cadenassée ouvrant sur… un puits littéralement sans fond ! Dane, Lucas et Julie ouvrent bien sûr la trappe, boîte de Pandore d’où vont surgir des visions spectrales angoissantes. Lucas est visité par un pantin grimaçant en forme de clown, Julie par une silhouette flippante de petite fille morte. L’abîme mis au jour dans le sous-sol a sondé l’âme des adolescents pour les confronter à leurs peurs les plus intimes…

Le pitch au départ banal trouve une envergure tout autre en empruntant une piste psychanalytique. The Hole, dans lequel des enfants vivent une aventure extraordinaire à l’insu des adultes, fait ainsi honneur à sa nature de récit d’initiation : l’histoire offre l’occasion aux jeunes personnages de se préparer à passer l’âge supérieur (à l’âge adulte pour Dane et Julie, à l’adolescence pour Lucas) en liquidant les craintes ou les traumas propres à l’enfance (d’où la lecture, par Julie, d’un exemplaire de La Divine Comédie de… Dante, dont le narrateur traverse l’enfer puis le purgatoire avant d’atteindre le paradis). The Hole ne manque donc pas de  profondeur, ce qui n’était pas gagné d’avance pour une production de ce calibre, destinée à un public familial. Pour les purs fans de fantastique, Dante ménage aussi des clins d’œil appréciables avec des allusions pointues à des incontournables du genre (par exemple aux Mains d’Orlac de Maurice Renard, adapté à l’écran par Karl Freund avec Peter Lorre). Même s’il accuse une mise en scène un peu convenue (on a l’impression permanente de regarder une production des années 1980), The Hole est une œuvre extrêmement fréquentable qui laisse espérer encore de belles choses de la part de Joe Dante, qui doit bientôt prendre part au film à sketches Paris I’ll Kill You, en compagnie de Christian Alvart (réalisateur de Pandorum), Xavier Gens (The Divide), Jörn Heitmann (auteur de Lichtspielhaus, documentaire sur Rammstein) et Christopher Smith (Triangle, Severance, Black Death). See you soon, Joe !


Dvd et blu-ray disponibles depuis le 5 ocotbre (CTV International).