Doux Jésus ! Sorti il y a deux jours aux États-Unis, The Crucifixion nous laisse bouche bée devant l’incroyable caractère prosélyte de son scénario, qui nous emmène en Europe de l’Est sur les pas d’une journaliste new-yorkaise. Nicole est jeune reporter. À l’affût d’un scoop, elle flaire une bonne histoire du côté de la Roumanie, où un prêtre dissident et quelques bonnes sœurs ont échoué derrière les barreaux suite à une tentative d’exorcisme sauvage s’étant conclu par le décès de la possédée. Sur place, Nicole, qui est athée, fait la connaissance d’un religieux barbu, sosie de Jésus, son bâton de berger au fil d’une enquête où elle découvrira non pas des innocents ni des coupables, ni le prix Pulitzer, mais tout bonnement la Foi ! Alléluia !

La réalisation de The Crucifixion est signée du Français Xavier Gens (Frontière(s), The Divide), qu’on n’attendait pas sur ce terrain-là, mais surtout le script a été pondu par les jumeaux Chad & Carey Hayes, déjà auteurs de The Conjuring. Des croyants fervents, juifs messianiques, du style à faire bénir leur maison parce qu’ils sont convaincus qu’un esprit malin s’amuse à décrocher les cadres photo des murs (véridique !). Les deux frères se servent du cinéma d’horreur pour faire passer un message christique et guider toutes les brebis égarées jusque dans la lumière du Seigneur. Une bonne partie du film laisse planer l’ambiguïté (la possédée était-elle investie par un démon ou était-ce simplement une aliénée ?) avant de tomber le masque dans son dernier acte : plus de doute possible, le Diable est à l’œuvre dans l’archaïque campagne roumaine, « il y a un paradis et un enfer » (dixit le dialogue, sans une once d’humour) et il revient à chacun de faire son chemin jusqu’à Dieu pour garantir son salut et échapper aux démons. D’une naïveté béate toute américaine, le film donne dans une symbolique sulpicienne éculée (la lumière du soleil figure la présence divine) tout en respectant mécaniquement le cahier des charges de l’épouvante de série avec des jump scares à tout va et, in fine, une séquence de possession spectaculaire où la victime virevolte dans les airs.

Xavier Gens s’y connaît pour emballer des séquences angoissantes craspecs (les scènes d’exorcisme sont impressionnantes, avec une comédienne, Ada Lupu, possédée par son rôle), Sophie Cookson (vue dans Kingsman), qui joue l’héroïne Nicole, est une envoyée spéciale agréable à suivre et on retrouve aussi Ivan Gonzalez (déjà employé par Gens pour The Divide). Mais tous ces talents s’accordent pour faire passer une propagande moyenâgeuse où l’on admet le libre-arbitre de l’Homme tout en martelant en bout de course que la Foi est la seule voie de salut face à la réalité du Diable. Et attention : comme le précise un carton introductif, le film est « inspiré de faits réels », autrement dit c’est du sérieux ! Le prêtre exorciste, dans l’histoire inculpé d’homicide, existerait donc bel et bien. On apprend aussi par quelques lignes en fin de projo que le type et ses nonnes auxiliaires ont passé sept ans en taule, en gros par la faute d’un clergé devenu laxiste, gangréné par le rationalisme, qui les a lâchés en s’obstinant aujourd’hui à voir les possédés comme de simples cas psychiatriques. Alors que nous traversons une époque sombre où les attentats religieux font des ravages, une telle promotion des croyances les plus obscurantistes n’est pas tolérable.

The Crucifixion est sorti avant-hier, 6 octobre, dans les salles américaines. Aucune date officielle de sortie française n’a encore été annoncée.