C’est le 8 mai. Teddy s’ouvre devant le monument aux Morts par une Marseillaise discordante, entonnée a capella par un jeune bidasse qui s’époumone devant une assemblée clairsemée et des officiels ventripotents. Voilà la France, ordinaire et telle qu’on la connaît dans les territoires ruraux. Le tableau n’est pas flatteur, c’est sûr, est-il une caricature pour autant ? Oui, non, en tout cas il n’y a pas d’offense vu qu’en France, les caricatures, on adore ça (n’est-ce pas ?). Et puis l’approche humoristique n’interdit pas aux auteurs, un duo fraternel dont il s’agit du second long métrage (après Willy 1er, en 2016), de brosser un portrait vériste du héros, Teddy, sans famille et « décrocheur » scolaire, qui vit de petits jobs proposés par l’agence d’intérim de son patelin des Pyrénées. Le garçon ne s’en rend pas compte du haut de ses 18 ans, mais son absence d’éducation et de qualification le prive de l’hypothétique poste de « chef » qu’il convoite et qui lui permettrait de se réaliser en tant qu’adulte. Une vérité cruelle qui le frappe de plein fouet lorsque sa petite copine, nouvellement bachelière, lui apprend qu’elle va partir, à Toulouse ou pourquoi pas à Paris, pour des études qu’elle saura sans doute mener avec succès.

Imaginer une intrigue fantastique crédible à base de loup-garou dans un contexte typiquement français, c’était une gageure que les auteurs ont réussi à soutenir en jouant la carte de la métaphore : mordu par un canidé, Teddy, le gentil nounours mal dégrossi, se change peu à peu en loup, la perspective de rester paumé sur le côté de la route faisant bouillonner en lui des instincts de plus en plus agressifs. Le cadre et le dénouement ne sont pas sans rappeler Je mourrai pas gibier (très bon roman ado de Guillaume Guéraud), et l’intrigue exploite avec brio le thème de la métamorphose progressive en créature pour signifier le basculement de Teddy dans la violence aveugle. L’interprétation d’Anthony Bajon, dans le rôle-titre, est excellente. En janvier, le film a décroché le Prix du Jury et le Prix du Jury Jeunes du Festival de Gérardmer 2021.

Sortie dans les salles aujourd’hui, 30 juin.