Déroulé en quatrième de couverture, le pedigree de Tim Powers intimiderait presque : « ami intime de Philip K. Dick, inventeur du steampunk, génie de l’histoire occulte », l’auteur américain a également reçu moult récompenses qu’on ne va peut-être pas reproduire ici. Sur des mers plus ignorées (On Stranger Tides, en v.o.) est un de ses premiers récits, il date de 1987 et, après des parutions chez J’ai lu et Bragelonne, le roman bénéficie cette année d’une nouvelle édition, brochée s’il-vous-plaît, et dorée sur tranche. On manipule donc l’objet avec convoitise et des yeux gourmands, prêt à plonger dans les pages de l’ouvrage et les eaux des Caraïbes.

Et l’aventure s’annonce plutôt bien : le héros de l’histoire, John Chandagnac, vogue vers le Nouveau Monde à bord du Vociferous Carmichael, un grand navire battant pavillon britannique. Nous sommes en 1718, et les eaux entre la Barbade et la Jamaïque ne sont pas aussi sûres que celles de la Manche. Abordés par les pirates du Capitaine Davies, les gens du Carmichael sont faits prisonniers et Chandagnac se voit offrir un choix peu commun, être tué sur-le-champ ou se faire soi-même forban ! Rebaptisé Jack Shandy par son nouvel équipage, le jeune Anglais entame une existence de hors-la-loi maritime…

Sorcellerie vaudou, maléfices, manœuvres d’abordage, explorations nocturnes… Ajoutons que le rhum coule à flot, que le célèbre Barbe-Noire  sera aussi de l’aventure et qu’il y aura une jolie fille à sauver, et vous comprendrez que tous les ingrédients sont réunis pour passer des heures de lecture palpitantes et dépaysantes. Mais patatras ! D’une façon totalement inattendue, et malgré la réputation du titre et un a priori positif, pages et chapitres se succèdent sans jamais susciter autre chose qu’une immense frustration :  Sur des mers plus ignorées est un récit brouillon, aux enjeux flous, habités de personnages trop nombreux et dont les motivations comme les déplacements dans une géographie imprécise restent jusqu’au bout des plus obscurs. Parfois on se raccroche à une description évocatrice d’un ailleurs paradisiaque ou mystérieux, ou bien à une anecdote prenante narrée par un pirate à la caboche pleine de souvenirs… mais on reste extérieur à l’affaire, poussé jusqu’aux portes de la somnolence par un récit au rythme cruellement lâche, très loin d’atteindre la truculence et la fougue espérées. On Stranger Tides est de ces romans qui vous tombent des mains, qu’on reprend pourtant maintes fois avec la volonté farouche d’y trouver, à force, des surprises et des qualités. Mais rien n’y fait. Amère déception.

En librairie depuis le 20 février 2019.