Nous y voici : la grande ménagerie de Star Wars revient pour un tour de piste conclusif dans lequel tous les protagonistes essentiels de l’ultime (?) trilogie, les morts comme les vivants, réapparaissent à l’écran entre les incontournables duels au lightsaber, les inévitables courses poursuites intersidérales et autres tours de Force. Quatre noms, pas moins, sont crédités au scénario, mais comment employer l’enveloppe de 200 millions de dollars allouée par Disney lorsque la boîte à idées s’avère désespérément vide et qu’on n’a plus rien de neuf à raconter ?

Un des défis de cet épisode IX était sans aucun doute de pallier la disparition de Carrie Fisher, décédée en 2017. Les auteurs allaient-ils ressusciter l’interprète de Leia en créant un clone numérique, comme il en fut de Peter Cushing dans Rogue One ? Eh non : c’est bien l’actrice et non un fantôme digital que l’on peut voir dans ce dernier volet, grâce à l’inclusion de séquences restées dans les placards de la salle de montage de l’épisode VIII. Voir Fisher revenir à l’écran dans le rôle-clé de sa carrière a de quoi émouvoir du monde, mais pourtant les interventions de la Princesse dans cet épilogue n’ont rien de bouleversant (cinq ou six minutes de présence à l’écran à tout casser, à la suite desquelles les scénaristes n’ont pas d’autre choix que de se débarrasser du personnage pour un motif très léger ; mais bon, il fallait bien composer avec la mort de la comédienne, alors on ne peut guère leur en vouloir). Suivant le modèle d’Obi-Wan puis de Yoda dans les premiers films, Leia sert de guide spirituel à Rey, qui a fort besoin d’être épaulée. Toujours titillée par son attirance pour Kylo Ren, désormais leader suprême du Premier Ordre, qui ne demande qu’à l’accueillir et partager le pouvoir avec elle, Rey s’interroge sur sa destinée. Et nous de même : a-t-on une chance, même infime, de voir la jeune femme happée par le côté obscur et, lors d’un irréversible coup de théâtre, tourner le dos à la Rébellion ?

La question est le seul enjeu dramatique d’intérêt de cet épisode IX, mais Force est de constater que J.J. Abrams nous amuse : comme il en a été dans le volet précédent, pas question pour des employés de Disney de flirter eux-mêmes avec les charmes du côté obscur, aussi il était inconcevable de s’aliéner la large partie familiale du public en retournant un personnage d’héroïne qui, jusqu’ici, était un modèle d’identification. Il a fallu donc trouver un adversaire de taille face auquel Rey puisse s’affirmer pour de bon en tant que symbole positif, et les plumes à l’ouvrage n’ont rien trouvé de mieux que ressusciter Palpatine, l’Empereur en personne, mentor de Darth Vader dans la première trilogie. Le personnage, absent des épisodes VI et VII, est censément mort depuis belle lurette, et néanmoins sa réapparition fait à peine sourciller les têtes pensantes de la Rébellion, Leia la première (qui accueille la nouvelle avec tout le stoïcisme inexpressif dû non pas à la sagesse des Jedi mais plutôt à la série de liftings que subit l’actrice). Comment justifier le retour du félon, ex-sénateur de la République ? De la manière la plus bêta qui soit : Palpatine n’était pas mort, il s’était caché, pendant près de quarante ans ! En l’occurrence sur une planète secrète où l’on ne peut accéder que grâce à un « wayfinder », un gadget de guidage dont il n’a jamais été question jusqu’ici et auquel les scénaristes tentent de conférer un minimum de validité en lui donnant l’apparence d’un vieil artefact en pierre taillée. Et Rey et ses amis vont passer l’essentiel de leur ultime aventure à essayer de mettre la main sur un des rares exemplaires du bidule… En guise de quête finale, on pouvait espérer mieux. Abrams mise beaucoup sur des coups spectaculaires pour subjuguer son public et nous détourner les yeux de la faiblesse du script. Cela le conduit à filmer d’absurdes prouesses tape-à-l’œil, mais aussi à recycler, carrément, le twist de L’Empire contre-attaque (le fameux « Je suis ton père »), comme si une révélation de cet ordre pouvait servir deux fois ! N’importe quel spectateur adulte (notamment ayant découvert The Empire Strikes Back en salle, en 1981) ne peut que se sentir pris pour un idiot par une écriture à ce point désinvolte. Allez, rideau.

Dans les salles depuis le 18 décembre.