James Lovegrove est décidément loin d’en avoir fini avec Holmes et son inséparable Watson. Après la trilogie fantastique des Dossiers Cthulhu (dans laquelle l’auteur fusionne le monde de Sherlock et l’univers de Lovecraft), après Sherlock Holmes et le Démon de Noël (paru il y a trois mois à peine et que nous n’avons pas chroniqué — malheur à nous !), le détective se lance dans une enquête qui le fait retourner dans le Dartmoor, sur la propriété de sir Henry Baskerville.

Baskerville ! Un nom que connaissent tous les amateurs des récits d’Arthur Conan Doyle (ainsi que ceux des romans d’Umberto Eco : c’est en hommage à sir Arthur et Sherlock que l’écrivain et linguiste italien choisit d’appeler Baskerville le héros perspicace du Nom de la rose). Maîtrisant le fameux canon holmésien sur le bout des doigts, James Lovegrove s’est lancé dans une entreprise audacieuse, apporter une suite apocryphe au célèbre Le Chien des Baskerville, que Conan Doyle publia initialement sous forme de feuilleton en 1901-1902. Vous avez oublié de quoi il retourne ? Pas de panique : le docteur Watson, toujours d’une prévenance et d’une droiture exemplaires, pense à tous les lecteurs à qui la mémoire ferait défaut. En quelques pages habilement placées, sans gêner nullement la progression du récit, le narrateur médecin nous fait un résumé de l’intrigue du Chien…, une parenthèse salutaire qui permet à tout un chacun d’appréhender personnages et enjeux de cette nouvelle enquête.

Flanqué, dans un premier temps, non pas de Watson mais du Caporal Benjamin Grier (un militaire canadien autrefois frère d’armes, outre-Atlantique, d’Henry Baskerville), Sherlock Holmes part à la rescousse de sir Henry, dont l’épouse Audrey a été assassinée par une nouvelle bête. Cette fois, impossible qu’il s’agisse d’un chien : la pauvre a été retrouvée littéralement exsangue au cœur de la lande, la jugulaire perforée par l’appendice d’une phalène géante (voir l’illustration de la couverture) que plusieurs témoins de la région affirment avoir aperçue au clair de lune, battant des ailes dans le ciel nocturne. Et le fait est que des moutons des troupeaux environnants ont été récemment retrouvés par leurs bergers dans le même état que la pauvre Audrey… Est-il concevable qu’un tel animal existe ? Et qu’il soit tombé sur Lady Baskerville est-il seulement le fruit d’un malheureux hasard ?

Ainsi qu’il nous y a habitués, James Lovegrove mène son récit d’enquête à un rythme qui ne faiblit jamais, nous allons d’énigme en énigme et de surprise en surprise, jusqu’à un coup de théâtre qui, à peu près à mi-roman, va nous emmener dans des contrées inattendues et plus dépaysantes encore que les paysages de tourbe qui entourent le manoir des Baskerville. Et que les amateurs de récits d’aventures se frottent les mains, car il y a même au programme non pas un mais deux voyages mouvementés en bateau, en eau douce et en eau salée, effectués par un petit collège de héros dont le portrait de groupe savoureux compte aussi parmi les atouts de ce nouveau roman. Le pari d’apporter une suite convaincante au Chien des Baskerville est relevé haut la main. James Lovegrove, au style classique et classieux, s’affirme une fois encore comme la plume idéale pour conforter la postérité des personnages de Conan Doyle.

En librairie depuis le 9 février 2022.