Une bande de jeunes plongés entre les rangées de crocs d’un grand requin blanc. Voilà un « pitch » d’une simplicité biblique exploité maintes fois au cinéma. Oui, mais dans un manga ? Peut-être pas, en tout cas jusqu’à aujourd’hui puisque voici Shark Panic, série en deux tomes à la parution estivale propice aux frissons sous le parasol (ce volume-ci sera feuilleté sur le sable par les juilletistes, la seconde partie arrivera dans deux mois pour les aoûtiens). Le ciel est bleu, la mer est belle, le drapeau est vert pour Maho, Kanako, Ayumi (les filles), Ryuzo, Eita et Kaito (les garçons). Six copains qui fêtent en mer leurs retrouvailles, quelques années après avoir fini le lycée. Mais la virée au grand large tourne au cauchemar à l’arrivée d’un squale qui se met à rôder autour de leur petit bateau…

En fait de grand requin blanc, la bestiole sous l’eau est une masse noire gigantesque qui pourrait presque gober tout entier le rafiot de cette « croisière de l’amitié ». Dans la réalité, il y aurait peu de risques de se faire embêter par une telle créature, au large du Japon ou ailleurs, mais cette horreur aquatique prend une dimension symbolique, précédée dans le dialogue par des remarques qui en disent long sur la hantise nippone du déclassement social. Dans le groupe de plaisanciers, il s’avère qu’ils sont plusieurs à vivoter. L’un avoue être au chômage, encore aux crochets de ses parents, et le commandant de bord, Ryuzo, s’est arrangé pour « emprunter » le petit navire à son patron, un vendeur de bateaux d’occasion qui le paie trois fois rien. La situation des filles n’est pas forcément plus glorieuse.  Alors c’est comme le spectre d’une existence de troisième zone qui vient leur tourner autour, s’incarnant dans la silhouette du requin à la gueule toute noire et béante.

Comme on pouvait s’y attendre, le découpage du récit est très cinématographique, avec des cases au départ classiquement rectangulaires mais dont la géométrie se disloque dès que l’action s’emballe, les dents de la mer passant à l’attaque. Alors bien que les dialogues s’avèrent pauvres et que quelques péripéties ne soient guère crédibles (notamment un passage subaquatique, sans bouteille ni masque et qui s’éternise), les pages se tournent pour ainsi dire toutes seules, jalonnées d’images marquantes (croqué sous tous les angles, le prédateur aux attributs de carnassier XXL est vraiment impressionnant). Le festin terminé, on reçoit la promesse du retour du monstre, « plus affamé que jamais », dans la seconde partie, annoncée pour le 25 août. Un confortable délai de digestion.

En librairie à partir du 30 juin 2022.