Résumé :

Pour prendre sa revanche sur son père qui l’a renié et n’a jamais voulu l’initier aux secrets de l’invisible, Malik va tout mettre en œuvre pour devenir immortel.

Il absorbe l’énergie vitale de la troupe d’artistes qui l’accompagne au travers les royaumes désertiques.

Une suite composée de « kenzis », des individus dotés de pouvoirs magiques innés, l’absorption de leur force est bien plus profitable à leur « chef » quoiqu’insuffisante.

Parmi eux se trouve Aya Sin,  dépendante à l‘aziram, une drogue que lui fournit de façon parcimonieuse Malik .

La jeune métisse voit au travers les voiles de l’avenir les conséquences de la quête de celui qui la tient sous sa coupe et va tenter d’utiliser les éléments rapportés par l’augure pour parvenir à la rédemption.

Trois autres femmes marquées par Azr’Khila, déesse de la vie et de la mort ont leur place dans cette prophétie.

Notre avis :

Dans son nouveau roman publié chez Mnémos, tout comme auparavant  sa trilogie L’Archipel des Numinées (dont le tome 2, Cytheriae; a été récompensé (Prix Elbakin et Prix Imaginales en 2010 et 2011), Charlotte Bousquet nous fait entrer dans le monde de Shâra au travers la correspondance entre Malik et son père.

Des lettres qui, même si le lecteur ne sait pas si elles parviennent à leur destinataire,  constituent un véritable  fil rouge au travers un récit qui va s’attacher principalement à nous faire découvrir le destin de trois femmes d’origines différentes : leurs destins cheminant  depuis  des coins différents de cet univers de fantasy au climat aride et peuplé de djinn vont se rejoindre assurément ; même si ce n’est pas encore le cas à la fin du premier volet de ce dyptique.

Mélange de culture scythe, arabe et perse, ce monde, comme le précise son autrice, est le résultat d’une longue gestation débutée en 2012. Preuve supplémentaire, la référence à différentes nouvelles écrites depuis cette année et disponibles dans différentes anthologies  ( «Reines et dragons »,  «Les incontournables de la fantasy »)

Le lecteur est donc invité à suivre les traces, outre d’Aya Sin, de Tiyyi, Djiane et Arkhane.

La première est une adolescente que les esclavagistes, qui ont razziés son village, s’apprêtent à faire traverser l’erg de Wenlo pour la vendre.

La seconde, habitant le pays teshite, est dépositaire d’un art du combat familiale,  seule héritière avant que ce dernier n’épouse sa belle-mère qui lui a donné un héritier. La marâtre espère voir son neveu épouser Djiane pour renforcer son pouvoir.

La dernière enfin, sans doute le personnage le plus symbolique, est  hermaphrodite et s’apprête à passer la dernière épreuve de son apprentissage de shaman : elle va devoir faire face à la vengeance de la promise de Riwan, l’homme qu’elle aime.

Non pas trois mais quatre personnages forts par définition, dont cette brève esquisse laisse entrevoir le potentiel et la force de caractère sous-jacente, avant même d’évoquer d’autres capacités qui feront l’objet d’autant de rebondissements au cours du voyage littéraire qui nous est proposé.

Effectivement, ces femmes  vont devoir toutes devoir faire face à l’adversité au sein d’un environnement inspiré autant du fantastique des mille et une nuits que de furtives évocations de la planète Arrakis (on serait tenté par une ballade à dos de Kahib’er rum !).

En matière d’écriture, le savoir-faire de Charlotte Bousquet n’est plus à démontrer : on est incontestablement ferré dès les premières pages, même si la narration n’est pas linéaire (les lettres de Malik qui ouvrent chacune des trois parties reviennent sur des événements passés) ,et  si les augures et prédictions  anticipent  ce qui va arriver, même en restant suffisamment troubles pour différentes possibilités.

La poésie et chant s’intègrent également  dans le déroulement de cette histoire, confortant l’immersion dans cet univers de conte ou l’oral tient toute sa place, tout autant que l’animisme, la magie et le mysticisme.

L’écrivaine  a assurément des messages à faire passer (le parcours d’ Arkhane est fascinant de ce point de vue )  et  montre un véritable talent à créer un univers cohérent avec une faune et une flore qui s’inspirent de l’existant, tout comme les problématiques abordées ; tout en sachant se montrer original et moderne dans ses propos.

Il y a fort à parier que nous serons nombreux à attendre la seconde et dernière partie de cette odyssée habitée de personnages féminins captivants.

 La couverture réalisée par Mélanie Delon est somptueuse ! Ce qui ne gâche rien, bien au contraire !

  Shâra les masques d’Azr’Khila  est assurément un des romans  remarquables de cet été !