« Projet Itoh » est au départ le pseudonyme insolite d’un écrivain japonais, de son vrai nom Satoshi Itô, auteur de trois romans — Genocidal Organ, Harmony et The Empire of Corpses. Itô est hélas mort d’un cancer en 2009 à l’âge de 34 ans, cependant le « Projet Itoh » subsiste et désigne désormais l’entreprise d’adaptation des trois bouquins en longs métrages d’animation. Genocidal Organ est actuellement en production sous l’égide du tout jeune Studio Geno (fondé en 2012) ; le film sera visible l’an prochain. Développés respectivement par le Studio 4°C et par le Studio Wit, Harmony et The Empire of Corpses sont quant à eux finalisés. Après des projections en avant-première à Paris fin 2015 et en janvier dernier au Festival de Gérardmer, les deux titres débarquent cet été en France, non pas en salles mais directement en DVD et blu-ray.

Disponible dès le 20 juillet (édité par @Anime dans une belle édition steelbook), The Empire of Corpses est une uchronie steampunk qui débute à Londres à la fin du XIXème siècle. Le pitch a un petit côté « Penny Dreadful » assez stimulant : nous retrouvons associés des noms bien connus des amateurs de littérature fantastique, à commencer par le héros de l’histoire, le jeune John Watson, futur acolyte de Sherlock Holmes, encore étudiant en médecine. Watson évolue ici dans un monde victorien alternatif où les travaux de Victor Frankenstein ont permis à la science de ressusciter les morts sous la forme de « nécromates », cadavres ambulants privés de parole et de volonté propre, utilisés comme main d’œuvre gratuite dans les travaux pénibles (ils servent aussi de chair à canon sur les champs de bataille !). Apprenti « nécromaticien » en délicatesse avec la loi, Watson se voit promettre une amnistie s’il mène à bien une mission pour le compte des services secrets de la couronne (dirigés par « M », comme dans les romans d’Ian Fleming) : retrouver des carnets d’expérience disparus du Docteur Frankenstein, dans lesquels serait consignée la méthode pour créer des nécromates doués d’une âme.

Sur le papier, le menu est appétissant, d’autant que le character design s’avère très classe, avec un joli travail sur l’intensité des regards, et l’animation de qualité. Et on tient surtout les ingrédients d’une grande aventure — un manuscrit mystérieux, un voyage au long cours sur plusieurs continents, la présence d’une beauté fatale (Hadaly Lilith, aux attributs mammaires exubérants, comme d’hab’ dans la japanime !). Mais voilà, le traitement des trois scénaristes engagés dans le projet gaspille cette belle matière à rêve en engluant l’histoire dans une mélasse de palabres statiques censées élever l’œuvre à un niveau psycho-philosophique, et débitées par des héros sentencieux auxquels il est très ardu de s’attacher. De longs passages dialogués où l’on débat à n’en plus finir sur l’existence de l’âme, sur qui en a, qui n’en a pas, et patati et patata… Il va sans dire que ce n’est pas ce type de posture pontifiante qu’on attend obligatoirement d’une intrigue convoquant agents secrets, blonde plantureuse et zombies. Le déroulement du film se cale ainsi sur le tempo soporifique des dialogues, avec une succession de scènes aussi mécanique que la gestuelle des morts-vivants nombreux qui déambulent dans le cadre. Le comble est qu’au cœur du script se niche ce questionnement sur la nature de l’âme. S’il existe quelque part un manuel secret expliquant la manière d’écrire un film lui-même habité d’un souffle, d’un esprit, les auteurs n’ont pas réussi à mettre la main dessus.

Sortie du DVD et du blu-ray le 20 juillet 2016 (@Anime).