Inutile de chercher dans les rayons des librairies l’ouvrage que voici : financé par une campagne Ulule dont l’issue a dépassé les espérances des auteurs (les centaines de contributeurs ont permis de réunir le triple du budget envisagé au départ), Nightmare est un ouvrage auto-édité, en même temps qu’il est un objet hybride entre le roman jeunesse et la bande dessinée. Le livre nous happe dans un univers de science-fiction : les héros, enfants ou adolescents, se réveillent un jour dans un monde qui n’est pas le leur. Un environnement étrange, onirique, aux paysages changeants, peuplé de créatures menaçantes, dans lequel ils doivent trouver au plus vite leurs repères ainsi que des indices leur permettant de comprendre où ils sont, et pourquoi ils y sont.

L’argument n’est pas sans rappeler Seuls, la série de B.D. de Vehlmann et Gazzotti, ou encore la saga Autre-Monde de Maxime Chattam, d’autant que Johanna Zaïre (pour le texte) et Thibault Colon de Franciosi (dessin) ont attribué des talents particuliers à leurs personnages, ce que Chattam nomma dans ses romans des « altérations » (dans ce nouvel univers, un des héros se montre capable de maîtriser l’électricité, un autre l’eau…). Le scénario n’est donc pas totalement original, le caractère le plus novateur résidant dans la forme du livre. Comme mentionné plus haut, les pages mêlent prose et illustrations, et la narration bascule régulièrement du texte à la bande dessinée. Le parti pris est sans doute inédit, cela dit, malgré la beauté de l’objet (la composition des pages et l’impression sur papier à fort grammage sont somptueuses), on ne peut que regretter que la création de Nightmare n’ait pas bénéficié de l’expertise d’un éditeur chevronné, qui aurait permis d’améliorer l’ouvrage en évitant quelques écueils (le rythme fait souvent défaut au récit, le style est perfectible, et si les illustrations sont globalement de bonne facture, elles ne sont pas non plus d’une qualité homogène). Compte tenu de la somme énorme de travail abattue par le duo d’auteurs, et compte tenu également des valeurs positives véhiculées par l’histoire (l’importance de la connaissance, la nécessité de l’entraide), on ne formule pas ce genre de critique de gaieté de cœur. Impossible toutefois de taire sciemment les défauts du livre sous le couvert de l’indulgence et de la bienveillance…

Disponible sur le site officiel de Johanna Zaïre.