Pour diverses raisons, les héros de nos histoires sont tous dans la dèche, mais leur situation va encore empirer : par un coup du sort, leur triste déambulation nocturne les conduit au guichet du Rialto, une salle de cinéma à l’ancienne où sur l’écran se mettent à défiler leurs pires cauchemars… Né des cendres de feue la série Masters of Horror, voici Nightmare Cinema, film à sketches disponible depuis quelques jours sur les plateformes de VOD américaines.

Frustré de l’arrêt, après seulement deux saisons, de sa série Masters of Horror (en tout 26 épisodes, tournés entre 2005 et 2007 par John Carpenter, John Landis, Dario Argento et bien d’autres « maîtres de l’horreur »), Mick Garris a mûri durant des années le projet de cette nouvelle anthologie fonctionnant sur le même principe que le show TV, c’est-à-dire une collection de courts métrages horrifiques tous signés par de grands noms internationaux du cinéma d’épouvante. Au générique de Nightmare Cinema, on trouve par conséquent les noms du cinéaste argentin Alejandro Brugués (Juan of the Dead), du Japonais Ryuhei Kitamura (Versus, The Midnight Meat Train, Downrange), de Joe Dante (qu’on ne présente plus), David Slade (30 Jours de nuit) et Mick Garris lui-même, qui signe un des courts métrages ainsi que le fil rouge se déroulant dans le « cinéma du cauchemar », dont le projectionniste bizarre apparaît sous les traits de Mickey Rourke.

C’est un cliché de le dire, car le cas n’est pas neuf, mais on ne peut guère faire autrement : comme souvent dans ce type de films, les différents programmes courts ne sont pas de qualité équivalente. Dead, le segment signé par Mick Garris, est une course poursuite intramuros un peu longuette (entre un petit orphelin capable de voir les esprits des morts et un tueur fou qui l’a pris pour cible), et Mashit, de Kitamura, nous dépeint les agissements pas toujours passionnants d’un démon au sein d’un pensionnat catholique (il y avait pourtant là un sacré potentiel, mais malgré son final se voulant outrancier avec gamins décapités et démembrés, le film demeure assez sage, voire mollasson, et il n’a pas le courage d’aller jusqu’au bout de sa provoc visant l’hypocrisie religieuse).

Les trois autres courts sont en revanche de belles surprises, notamment The Thing In The Woods (ci-dessus, réalisé par A. Brugués), efficace petit numéro de voltige scénaristique qui débute comme un slasher forestier basique avec un assassin au visage invisible (il porte un masque de soudeur — eh oui, comme dans La Cité de la peur !) avant de bifurquer sans crier gare sur tout autre chose. Le rythme soutenu, le montage non linéaire ainsi que des trouvailles de mise en scène franchement fendantes maintiennent l’intérêt jusqu’au bout. Dans un style très différent, Mirari de Joe Dante a été écrit par Richard Christian Matheson (le fils du grand auteur de S.F. Richard Matheson) qui rend un hommage appuyé à la série La Quatrième Dimension/The Twilight Zone et à l’extraordinaire épisode de 1960 Eye of the Beholder : sous la houlette d’un Joe Dante toujours féru d’humour plus noir que noir, Richard Chamberlain y campe un chirurgien esthétique maniant le bistouri de façon un peu trop enthousiaste… Traumatisée par une vieille cicatrice sur la joue remontant à l’enfance, la pauvre Anna laisse son visage entre les mains du toubib. Elle va s’en mordre les doigts et, de notre côté de l’écran, on voit passer les vingt et quelques minutes de métrage en plissant les yeux et en grinçant des dents. Enfin, This Way To Egress du Britannique David Slade, tourné en noir & blanc, nous montre à quoi ressemble le monde vu à travers les yeux de son héroïne maniaco-dépressive et à tendances suicidaires. Pas un trait d’humour à l’horizon, ce qui se comprend car il n’y a vraiment pas de quoi rire : imaginez une seconde que votre environnement quotidien se peuple de monstres et apparaisse tout à coup aussi lugubre que les rues, sous-sols et couloirs décrépis du jeu Silent Hill… Excellente interprétation d’Elisabeth Reaser, que vous aurez vue (ou pas) dans les cinq adaptations à l’écran de la série de romans Twilight.

Comme je le disais plus haut, Nightmare Cinema est disponible depuis une semaine sur les plateformes de VOD américaines. Pour l’instant, rien à l’horizon concernant une possible sortie française (mais le public alsacien a eu le privilège de voir le film sur grand écran lors de la dernière édition du Festival du Film fantastique de Strasbourg, en septembre dernier)… Pour terminer ce papier, quelques mots sur ce fameux cinéma Rialto dont on peut voir maintes fois la façade et les fauteuils rouges dans le film : construit en 1925 à Pasadena, Californie, ce vénérable établissement a servi de décor de tournage, entre autres, à La La Land avec Ryan Gosling, Scream 2 de Wes Craven, The Player de Robert Altman et… à Thriller, le clip d’anthologie de Michael Jackson réalisé en 1983 par John Landis (quand Michael emmène sa copine au cinéma voir un film de loup-garou, c’est au Rialto qu’ils vont !). Cependant, impossible d’aller y découvrir Nightmare Cinema : vétuste, le cinéma a fermé ses portes en 2007 et attend, depuis, une éventuelle rénovation et une réouverture…