Saviez-vous que sur les soixante textes qu’Arthur Conan Doyle a consacré à Sherlock Holmes, il n’y en a que six qui mettent en avant son ennemi mortel, le professeur James Moriarty. Ce manga japonais qui est toujours en cours au pays du soleil levant avec dix volumes a paru pour la première fois en 2016. C’est en 2018 qu’a commencé la parution française de Moriarty en France chez Kana avec un septième volume attendu pour avril 2020.

Moriarty est né sous la plume de Ryosuke Takeuchi (All You Need is Kill) et sous le pinceau du mangaka Hikaru Miyoshi (Inspecteur Akane Tsunemori). Dans certaines traductions, on peut lire Moriarty The Patriot, et c’est là que réside l’essence de celui qu’on qualifiera de génie du mal, alors qu’il n’a juste pas les mêmes valeurs que le reste de la société victorienne bien-pensante.

Le premier Moriarty, car ils sont trois en tout, c’est Albert James. Il est le fils ainé d’une famille noble qu’il déteste. Il portera d’ailleurs le titre de comte tout en haïssant la noblesse et son impunité. Albert réussira néanmoins à faire adopter deux orphelins : celui qui prendra le nom de William James Moriarty et son jeune frère qui deviendra Louis James Moriarty. Mais pour arriver à cela, Albert et ses deux frères d’adoption vont tuer la famille et incendier la demeure qui était la leur.

Si Albert va devenir le premier directeur du MI6 qui est loin d’être le service connu aujourd’hui, mais plutôt une officine criminelle commanditée par Victoria et ses sbires, c’est William qui va revendiquer le titre de consultant du crime, tout en enseignant les mathématiques dans une grande université britannique. Louis, pour sa part, sera le gestionnaire de la fratrie, et se chargera notamment de la gestion des diverses demeures de la famille.

Tous trois veulent éradiquer la noblesse de Grande-Bretagne, car elle trahit le peuple, le méprise et est protégée par le pouvoir. Par ses stratagèmes, William va mettre en avant tous ceux qui trahissent leur sang bleu et souvent les éliminer astucieusement. Avec des alliés qui ont les mêmes motivations qu’eux, les Moriarty sont, sans que cela ne soit assez vite détecté, les principaux adversaires de la couronne et du statu quo sur lequel elle survit, malgré son inutilité et son ordre rétrograde.

Bien évidemment, Holmes va croiser la route des Moriarty et va même être sur le point de se lier d’amitié avec William dont le sens mathématique aiguisé en fait un alter ego de premier ordre pour le maître de la déduction. Le texte et les situations restent fidèles à l’esprit de l’œuvre de Conan Doyle tout en bâtissant une histoire alternative.

Ainsi les œuvres du grand homme sont reprises dans un autre contexte. On verra même, au fil des volumes, les premiers pas des prédécesseurs de James Bond, une femme fatale qui saura aussi bien manipuler Holmes que Moriarty et puis même, dans le volume à venir en avril prochain, Jack l’Éventreur lui-même fera son apparition. C’est une œuvre immersive et alternative de grande qualité qui nous est proposée et il serait vraiment dommage de ne pas la découvrir au prétexte de ne révérer que l’œuvre de Doyle. Les grands héros vivent dans le cœur des lecteurs, peu importe qui leur donne vie, surtout si, comme ici, il n’y a pas trahison de l’esprit de l’œuvre originale.