Au fil des années, les Éditions Malpertuis se façonnent une réputation de qualité nullement abusive. Sobrement titrée Malpertuis II leur nouvelle anthologie ne déroge pas à cette règle. Entre ses pages se dissimule le panorama annuel des meilleurs textes fantastiques du moment.
  Lavée de Nico Bally commence la danse en privilégiant le percutant et non pas la longueur. L’esprit humain est parfois si complexe comme le démontre cette lavandière qui nettoie beaucoup de choses dans l’eau, et pas seulement des vêtements.
  Un étrange jeu télévisé qui fait découvrir à un adolescent qu’un tueur est lâché sur sa famille, en commençant par son père, est la base de L’assassin viendra ce soir de Brice Tarvel. Vous ne regarderez plus la TV du même œil après cette course contre la montre, mais surtout contre la mort.
  Plus loin de nous se situe le décor de Ce qui est moi de Ophélie Bruneau entourant une jeune femme dont la sœur n’aurait pas dû défier le rebouteux du village. La pauvre subit, au travers elle, la malédiction en retour en livrant le témoignage poignant d’une sombre réalité.
  Dans Rendez-vous nocturne de Jacques Fuentealba, un homme se plaint de son ex-femme qui le retrouve toujours malgré ses changements d’adresse pour lui donner un rendez-vous annuel. Le dernier chapitre livrera le secret de cette liaison bien particulière.
  Une jeune fille qui s’entiche d’une photo qui a fait la une des journaux est le sujet de Mon ami de papier de Ketty Steward, dans un registre hésitant entre l’étrange et le sordide. Assez éloigné du fantastique des autres textes, mais intéressant d’un point de vue psychologique.
  Dans Has-been Blues de Franck Ferric, le lecteur suit les errances d’un vieillard, limite clochard, qui traîne sa carcasse le long de la route toujours en direction de l’ouest. Le mythe du vampire revu et corrigé dans un genre différent, Américanisé, empli d’états d’âme originaux.
  Encore une histoire de vampire, dans la nouvelle Le dixième disciple, écrite à quatre mains par Melanie et Steve Rasnic Tem. Un registre totalement dissemblable de la précédente, par contre. Le lecteur est entraîné dans la descente aux Enfers d’une jeune mère qui désire beaucoup pour son enfant. Jusqu’à en confier le sort à un vampire de renom…
  D’une grande originalité, Les mille visages de Johan Scipion nous présente une femme disposant d’un pouvoir singulier: celui d’altérer inconsciemment son corps en fonction des goûts de son amant du moment. Une excellente nouvelle!
  Le héros de Sollicitude écrit par Jan Thirion reçois bien trop d’appels téléphoniques pour un simple quidam anonyme. Et pour cause… Les questions du début trouveront toutes une réponse lorsqu’arrivera la chute.
  Le goût du sang agit comme un hypnotique appel au meurtre dans Lien de famille de Sylvain Bonnet qui véhicule une histoire si simple et pourtant si complexe. Un texte à lire tranquillement pour mieux l’apprécier.
  La bataille d’une femme luttant contre des infirmiers qui semblent prendre un malin plaisir à œuvrer d’une manière bien différente de notre ordinaire est le sujet de Décharge d’adrénaline de Dominique Molès. Porté par un style sculpté avec finesse sur l’emploi des mots, ce texte est véritablement brillant.
  Le texte de Christophe Garreau, Tais-toi, porte en titre la phrase que son héros ne peut pas prononcer sous peine de rendre muet ses interlocuteurs. Une existence difficile pour celui qui doit toujours prendre garde à ses paroles. Jusqu’au jour où… Un bon rebondissement final.
  Il est des maisons ancestrales dans lesquelles il vaut mieux être invité. C’est ce que va découvrir avec horreur le petit groupe de délinquants venus détrousser une famille dans Sarkophagos de NokomisM. Bien que les histoires de demeures «originales» ne manquent pas, ce texte baigne dans une ambiance où se noie rapidement le lecteur. Pour son plus grand plaisir.
  Les vagues nous bercent de leur magie dans Enchantemer de Pierre-Alexandre Sicart qui ressuscite le mythe des sirènes en l’étayant de faits anciens. Entre attirance et répulsion, un marin s’y trouve plongé jusqu’à passer par-dessus bord. Assez loin des récits habituels sur les femmes vivants sous l’eau, ce texte apporte son lot de poésie et d’aventures.
  Porteur d’un fantastique sombre dans un style plus contemporain, Bernard Leonetti nous dépeint sa version de la prédatrice rodant le long des ruelles d’un quartier défavorisé dans sa nouvelle Mygale. Est-il possible d’affronter les nuits sans lune après sa lecture?
  Les sentiments contradictoires d’un homme qui ne peut s’empêcher de sentir la mort chez lui depuis que sa petite amie y est décédée servent de pivot à Un parfum de Solange de Claude Bolduc. Tout semble étrange autour de lui jusqu’à ce qu’il comprenne enfin pourquoi… Une atmosphère bien intrigante pour ce texte profondément ancré dans le fantastique.
  Par opposition, ce dernier traverse La route de Emmanuelle Maia d’une manière éthérée, pour ne pas dire invisible. Cependant, les souvenirs du vieil homme qui en occupe la première place véhiculent bien assez d’idées noires pour remédier à cette absence. Plus réel que fantastique, mais percutant tout de même.
  Dans Bois-moi, Serena Gentilhomme livre au lecteur, la vie compliquée d’une femme atteinte de TOC entraînée dans un voyage organisé qui la terrifie. Elle s’enfuira finalement vers un duo endormi depuis fort longtemps. Une nouvelle insolite où la dernière phrase supporte à elle seule une grande part de son essence profonde.
  De nouveau, le témoignage d’une existence qui prend aux tripes sans avoir recours à l’imaginaire se démontre au fil du texte La douleur et la danseuse de Jo Belley. Le fantastique y cède la place à une poésie bien réelle entourant la vie d’une vieille dame, autrefois danseuse, forcée de vivre avec une partenaire bien peu agréable: la douleur!
  À elle seule, l’idée de base de la nouvelle Le génie littéraire de Michaël Moslonka vaut le détour. Un génie au nom hilarant s’y cache à l’intérieur d’un livre ouvert par un homme errant sans but. Malgré sa taille, le génie dispose d’une puissance magique tangible. Du moins, si l’on en use avec parcimonie… Un texte bourré d’humour qui tire des ficelles pouvant conduire le lecteur vers de nombreux rêves plus ou moins éveillés.
  Durant la lecture de Lily et la petite souris de Romano Vlad Janulewicz, nous sommes placés en spectateurs d’une famille sordide où existent des pratiques bien répréhensibles et pourtant tristement répandues dans notre société. L’intervention de la «petite souris» du titre permet de libérer les victimes d’un grand poids tant moral que physique. Bien qu’axé sur une dépravation inacceptable, cette nouvelle rappelle que, parfois, il existe une force plus forte que la justice pour punir les véritables monstres de notre existence.
  Bercée par un tempo particulier où l’histoire semble vivre de son plein gré sans trop se soucier de ceux qui l’entourent s’écoule À la fin de ce voyage de Santiago Eximeno. Cette nouvelle confronte un vieil homme au bout du rouleau avec de bien étranges hommes en costumes arrivés durant la dévastation d’un cyclone. Un duo venu lui proposer un voyage vers un endroit bien particulier…
  Utilisant un style sortant totalement des sentiers battus de la littérature dans 2765, Saint-Zotique, Georges Mugand nous parle de visites à un individu vivant dans une maison aux murs couverts de livres. Un original qui sait tout sur tout mais qu’il faut savoir écouter sans interrompre si l’on veut glaner des informations exploitables. Un texte étonnant, pour ne pas dire surprenant, tant par son rythme que par son développement.
  Beaucoup plus léger en frôlant le poétique, Christian Simon démontre les effets merveilleux de L’air du temps capable de redonner courage à une petite fille dont la mère se trouve alitée. L’espoir et les souvenirs s’avèrent souvent les meilleurs des remèdes…
  Attendez-vous à un voyage bien plus sombre et angoissant en empruntant L’autoroute de Marija Nielsen. Une nuit noire, une famille dans une voiture, une panne et voici que le serpent d’asphalte devient le théâtre d’une affaire sordide mais terriblement proche de notre réalité. Impossible de rouler de nouveau, de nuit, après une telle lecture!
  Des chapitres croisés qu’il faut parcourir avec attention pour s’imprégner de l’histoire et ne pas en perdre le fil vous attendent dans Premier jour de Lucas Moreno. Fort heureusement, au fil de la lecture, l’écheveau se dénoue et l’enquête policière permet de comprendre le pourquoi et le comment du meurtre source de toute l’histoire.
  De son côté, Jean-Michel Calvez fait très fort avec son Morpho Helix. Un titre énigmatique qui dissimule un texte percutant qui joue avec nos peurs les plus primaires. Un jeune couple y emménage dans une maison parfaitement à leur goût si l’on excepte le propriétaire, un rien étrange, qui s’avère couvert de cicatrices anciennes. Peu de temps après, la femme s’entaille le visage sans savoir comment. Est-ce véritablement un accident ou autre chose? Là encore, un texte qui laisse derrière lui une porte ouverte aux pires cauchemars!
  Les meilleures choses connaissant toutes une fin, l’anthologie tire sa révérence au cœur Des installations de Jess Kaan. Un homme récemment promu au rang de star de la téléréalité se trouve enlevé par des inconnus et abandonné au beau milieu d’une zone déserte parsemée de bâtiments délaissés. S’échappant, il y rencontre un couple et une vieille dame qui végètent dans ces installations perdues au milieu de nulle part. Un lieu presque hors du temps tant il paraît ancien. Là où la seconde nouvelle du recueil nous montrait les risques pour les spectateurs des émissions, celle-ci s’inquiète du devenir des participants. Après tout, est-ce réellement un texte de fiction?
  En résumé, retenez que Malpertui II vous offre l’occasion de parcourir vingt-neuf textes originaux adoptant chacun un style et un rythme propre. Sous la plume des différents auteurs, le fantastique y apparaît dans toute sa force ou en simple filigrane. Un voyage dont il est difficile de revenir vers la réalité du quotidien. Une question se fera jour alors en vous: «à quand Malpertuis III