Pour peu qu’on se laisse prendre au piège de la bienveillance, il peut être difficile de juger avec sévérité une œuvre qu’on sait avoir été créée avec les meilleures intentions du monde. Et Mad Heidi est de ce genre-là : montée patiemment en totale indépendance, avec une opiniâtreté sans faille des années durant, la production du film a été rendue possible grâce à une longue campagne de financement participatif. Des centaines de fans de cinéma de genre et d’exploitation ont mis la main à la poche pour rendre le tournage possible. 538 donateurs de francs suisses exactement, séduits par l’absurdité rigolarde du scénario, qui fait de la Confédération helvétique un régime tyrannique dirigé par un magnat du fromage ! Meili (c’est son nom) a mis tout le monde au pas et impose sa production d’emmenthal industriel dégueu à la population, ayant rendu illégale la fabrication de tout autre fromage. Suite à de malheureuses péripéties qui, d’un coup, la privent de son confort villageois routinier, la courageuse Heidi, fille des montagnes, va finir par s’opposer au « very Swiss leader ».

À mi-chemin entre Iron Sky et les films grindhouse de Rodriguez et Tarantino, le script ambitionne de relever à la sauce fromagère plusieurs sous-genres du cinéma bis, les films de zombie, ceux de kung-fu, ainsi que les films de femmes en prison (WIP films pour les connaisseurs). Pas loin de la moitié du métrage se déroule dans un camp de redressement féminin mené à la baguette par la bien nommée Frau Rottweiler, et dans lequel échoue Heidi. Rottweiler est naturellement une peau de vache (et une de ses subordonnées s’avère encore plus sadique), mais en dépit de ce cadre sulfureux, la mise en scène reste sage, en tout cas dans les clous d’une interdiction au moins de 12 ans, alors que le film sera vu en majorité, on s’en doute, par des gens habitués à des excès bien plus corsés. Mad Heidi se dévoile surtout comme une grosse farce, au demeurant pas très fine ni franchement drôle, au rythme mollasson, et le spectacle pâtit aussi de son budget tout de même restreint (le tournage n’a pas duré un mois et, à l’écran, la Suisse totalitaire a l’air d’une dictature d’opérette qui couvrirait à peine un demi-canton). Le dernier tiers gore et fou-fou, un peu plus enlevé que le reste, sauve en partie la mise, mais pour un projet dont a pu suivre pas à pas la longue gestation (les auteurs ont communiqué en permanence sur l’avancée du financement et de la production), le résultat n’est pas du tout à la hauteur des attentes.

Film visible en streaming sur madheidi.com pour la modique somme de 9,95 euros.