On n’assiste pas tous les ans à la naissance d’une collection vouée à la littérature fantastique, alors réjouissons-nous puisque ce mois d’octobre voit arriver en librairie un nouveau label, aux couvertures toutes blanches, « Le Rayon imaginaire ». Cette création de la maison Hachette s’accompagne d’un manifeste : la vocation affirmée est de combler les amateurs en embrassant tous les styles et, tout à la fois, d’initier au genre les autres lecteurs, qui l’adorent mais ne le savent pas encore ! L’éditeur annonce des titres portés par une écriture puissante et des voix fortes, une ambition élevée qui se concrétise d’emblée dans l’incroyable volume inaugural de la collection, Les Dix Mille Portes de January.

Nous sommes au tournant du XXème siècle. Depuis son plus jeune âge, January Ruddy vit aux bons soins d’un homme fortuné et passionné d’archéologie, Octavius Locke. Pendant que son père court d’un continent à l’autre à la recherche d’artefacts rares pour le compte de M. Locke, January, orpheline de mère, mène une existence confortable quoique très codifiée dans la vaste demeure, un manoir rempli d’objets précieux, au cœur du Vermont. Un jour arrive entre ses mains, trouvé dans un antique coffret, un insolite volume relié de cuir, d’aspect fort usé, intitulé en lettres dorées à demi-effacées « Les Dix Mille Portes ». Sa lecture va changer à jamais la vie de January…

La romancière américaine Alix E. Harrow fait se dérouler une intrigue à plusieurs voix : celle de January, personnage-narrateur qui s’adresse directement à nous, et celle d’un certain Yule Ian, l’auteur des fameuses « Dix Mille Portes », qui nous conte l’histoire d’Adelaïde Lee Larson, une jeune fille du XIXème siècle, comme un alter-ego de papier de January. La succession des chapitres nous fait passer d’une héroïne à l’autre. Alors qu’Adelaïde se lance avec fougue dans un périple à la recherche d’un amour perdu, January part en quête de son père, disparu au cours d’une mission à l’autre bout du monde, et que son employeur M. Locke donne pour mort.

Il convient de choisir judicieusement ses mots pour rendre compte de l’enchantement qu’exerce ce roman. Enchantement, donc, en premier lieu, le mot est lâché et il n’est pas trop fort. Dépaysantes et plus d’une fois émouvantes, les aventures des deux jeunes héroïnes nous touchent d’autant plus qu’elles célèbrent à chaque page la magie irremplaçable des histoires et des livres, portes merveilleuses vers d’innombrables autres mondes. Le destin de January et ceui d’Adelaïde pourraient bien se rejoindre, et l’art avec lequel les deux trames sont tissées témoigne de la maestria d’Alix E. Harrow, conteuse hors pair à l’écriture élégante, expressive et généreuse. Son propre ouvrage est un passage qu’il ne tient qu’à nous de franchir. Qu’on ouvre les dix mille portes, sans hésiter, et qu’on se laisse happer !

En librairie depuis le 13 octobre 2021. L’éditeur prévoit un catalogue qui s’enrichira de six livres par an, œuvres nouvelles ou rééditions de titres prestigieux tels que Frankenstein de Mary Shelley, qui sortira en février 2022 dans une nouvelle traduction française d’Elisabeth Vonarburg.