Dès le départ, rien ne va : partis pour huit jours de randonnée au cœur des étendues préservées de la Suède, Luke, Hutch, Dom et Phil, quatre trentenaires londoniens, paient cher leur manque de préparation pour un tel périple, la tente sur le dos. Les deux premiers sont encore fringants, mais Dom et Phil (et leurs bedaines) plombent la balade à cause de leur surpoids, d’un genou tordu et d’ampoules aux pieds. À la recherche d’un raccourci, le groupe s’enfonce dans une nature primitive sombre et pluvieuse, à chaque pas plus inextricable et qui, tel un piège, semble se refermer sur eux…

Le parcours du Rituel n’a rien d’une promenade de santé, pour les personnages comme pour le lecteur. Adam Nevill accumule à plaisir les descriptions riches de détails pour nous rendre prégnante l’hostilité du moindre mètre carré obscurci de frondaisons dégoulinantes de pluie (on s’enrhumerait presque à la seule lecture des pages !). Cependant la boue, l’eau froide qui s’infiltre partout, les ronces et les branches basses qui griffent les visages sont peu de chose comparées aux épreuves à venir. Empoisonnées par des sentiments négatifs, les relations entre les quatre amis vont de mal en pis, et au ressentiment, à la colère et la rancœur va bientôt s’ajouter la peur : dans la forêt rôde une présence animale hostile, carnassière, une créature prédatrice « de l’aube de la terre » qui prend le groupe en chasse.

N’y allons pas par quatre chemins : Le Rituel est un roman terrible, une immersion de 450 pages dans des contrées d’effroi et de douleur. Le calvaire des personnages est sans répit, et leur destin pathétique nous désole, d’autant que les portraits psychologiques sont d’une grande finesse. Le récit, peu à peu, isole du reste de la bande le personnage de Luke, le loser du lot, éternel ado sans le sou, à qui l’auteur réserve un traitement spécial. Sans vouloir trop en divulguer, disons que le roman, dans sa seconde moitié (et sans pour autant quitter la nature sauvage de Scandinavie) aborde des territoires totalement inattendus, en prise étroite avec un univers musical bien particulier. On a le droit de faire un peu la grimace car Adam Nevill, ce faisant, entretient des clichés très répandus chez ceux qui méconnaissent le genre musical en question. Mais il est dans tous les cas difficile de nier l’efficacité redoutable de la plume de l’auteur qui, jamais à court d’images qui frappent, en rajoute toujours plus dans l’horreur la plus crue et naturaliste. La traduction française de Benoît Domis est à ce titre excellente. Une œuvre à découvrir à l’occasion de cette réédition en format poche, quoique réservée, vous l’aurez compris, à ceux et uniquement ceux qui se sentent d’humeur et d’attaque pour une telle traversée.

En librairie depuis le 13 mars 2019.