Deuxième volet de l’adaptation par Peter Jackson de Bilbo le Hobbit de J.R.R. Tolkien. Le premier chapitre, Un Voyage inattendu, se concluait par un plan sur l’œil menaçant du dragon Smaug, une promesse de nous dévoiler la créature dans ce nouveau film. Mais des épreuves nombreuses attendent Bilbo, Gandalf, Thorin Écu-de-Chêne et la compagnie des Nains avant de parvenir à la montagne d’Erebor et affronter dans son repaire le terrible dragon…

Comme dans le premier tome, le récit qui nous est conté suit l’une des plus belles trames qui soient, puisqu’il s’agit d’un voyage. Les aventuriers traversent une forêt maléfique, véritable labyrinthe infesté de monstres à huit pattes, marquent une étape forcée dans de sombres cachots, voguent au fil de l’eau vers une cité portuaire où ils devront essuyer l’attaque d’un détachement d’orques… Le livre d’images que Peter Jackson feuillette pour nous est éblouissant, les décors sont splendides, et les créatures qui les traversent le sont tout autant. Je revois l’adolescent que j’étais à 15 ans, fasciné par les jeux de rôle et lecteur assidu des fameux « livres dont vous êtes le héros » édités par Gallimard : s’il m’avait été donné de voir à l’époque un tel spectacle, je serais tombé à la renverse, émerveillé de voir les images peuplant mon imaginaire prendre corps à l’écran.

Quand on n’est plus un adolescent, l’émerveillement, toujours présent, n’est plus aussi aveuglant, et la beauté des tableaux ne parvient plus à masquer les défauts d’un scénario beaucoup trop plan-plan. L’histoire est belle, oui, mais à aucun moment le film ne parvient à communiquer l’émotion qu’une épopée initiatique comme celle-ci doit susciter. Tout récit d’aventures qu’il soit, La Désolation de Smaug est dépourvu de suspense, une carence déjà présente dans Un Voyage inattendu. Scènes et péripéties s’enchaînent sans que le cœur du spectateur ne s’emballe, sans que l’on envisage une seule seconde les héros véritablement en danger. L’émotion n’affleure qu’à de brefs moments qui n’ont rien à voir avec l’intrigue rocambolesque, lors des passages qui mettent en scène Tauriel, l’elfe sylvestre (une jolie composition d’Evangeline Lilly), saisie d’un amour naissant pour le nain Kili (Aidan Turner). Des sentiments réciproques, et une émotion qui sonne plus juste que le déploiement de décors en CGI et 3D.

Quid du dragon ? Après deux heures d’un métrage inutilement long (en tout 2h41, avec des scènes d’action mises en scène en virtuose, mais interminables), la récompense arrive, le monstre apparaît. Jackson ne rate pas son coup : de dimension effrayante, Smaug n’est pas qu’un épouvantail, c’est un véritable personnage au même titre que le roi Kong filmé en 2005 par le cinéaste néo-zélandais. Le dragon parle, et sa joute orale contre Bilbo est un des moments les plus réjouissants du film… avant la douche froide d’un dénouement en queue-de-poisson qui coupe net la narration à la manière d’une vulgaire pause pub ! Le procédé est très discutable, et l’invitation à revenir dans les salles fin 2014 pour l’ultime chapitre, Histoire d’un aller et retour, a tout du procédé de la carotte tendue à l’âne. Une surprise bien amère venant d’un réalisateur de la trempe et de la popularité de Peter Jackson. Mais bon… Bilbo, Gandalf, Thorin… rendez-vous dans un an !

Sorti le 11 décembre 2013.